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L’orfèvrerie instrumentale de Pascal Comelade

Dans sa rétrospective en six volumes, le musicien français d’origine catalane, issu de 
la frénésie rock 
des années 60 et 70, revisite ses quarante ans d’art sonore avant-gardiste.

 

Photo: Because Music

L’orfèvre français des miniatures instrumentales et nostalgiques, à qui le Yann Tiersen du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain doit tout, poursuit son exploration des fantaisies bricolées. Dans ce Rocanrolorama 1974-2016 (Because) en forme de rétrospective en six volumes et un imposant livret, le Français issu de la frénésie rock des années 1960-1970 revisite ses quarante ans d’art sonore faussement naïf.

 

Une œuvre profuse jalonnée par des collaborations prestigieuses avec notamment Richard Pinhas, PJ Harvey, Robert Wyatt, Miossec ou récemment The Limiñanas, et dont les thèmes orchestraux évoquant tour à tour Philip Glass, La Monte Young, le MC5, Erik Satie, Captain Beefheart, Ennio Morricone, Nino Rota ou Suicide ont accompagné quantité de films, ballets et travaux de plasticiens. A la fois intimiste, tendre et truffé de clins d’œil, ce monde théâtral a tenu du miracle permanent.


Entre tangos et valses, berceuses et partitions doucement rock, ses petites pièces qui agglomèrent sans pareil pianos-jouets, guitares en plastique, cuivres, orgues et les quelques bizarreries habituelles composent un décorum aussi unique que magique. Epitomé de cette démarche artistique unique où dominent les motifs répétitifs et les mélodies poétiques, les 165 titres de Rocanrolorama dessinent un passé recomposé et remodelé.

 

 

 

Liberté jouissive

De ces travaux d’art brut sans cesse remis sur le métier, de ces collages aussi mouvants que volages, Comelade tire une anthologie thématique d’une liberté expressive jouissive. Les six albums d’environ une heure ici rassemblés – drôlement baptisés "My Degeneration" ou "Patafisikal Polka" – brassent inédits, extraits d’antiques cassettes et morceaux retravaillés par tranches temporelles, avec pour point de départ la sortie de son premier vinyle autoproduit marqué par la musique électronique, Fluente, et pour point d’ancrage la période de son fameux Bel Canto Orchestra à géométrie variable dès 1983. S’y épanouissent ainsi 133 compositions instrumentales, 19 reprises ("Ma Gueule" d’Hallyday avec Miossec ou "Sex Machine" de James Brown) et quelques collaborations notoires qui explorent sans cesse les interstices et tensions entre musique populaire et héritage underground.

 

En parallèle à ce recueil sans écueil paraît fort à propos une biographie du musicien catalan signée Pierre Hild, Pascal Comelade, une galaxie instrumentale (Ed. Le mot et le reste). Un portrait qui rappelle que Comelade a connu son heure de gloire en 1994 avec une nomination aux Victoires de la musique dans la catégorie «musique instrumentale» pour Traffic d’abstraction, l’un de ses meilleurs et plus accessibles albums à ce jour, puis voilà sept ans à travers à une compilation hommage de la scène indépendante, Assemblage de pièces comeladiennes du plus bel effet.

 


Grâce à cette double actualité, le compositeur iconoclaste d’une musique d’avant-garde minimaliste obsédé par la musique instrumentale ne devrait plus jamais être confondu avec un illustrateur sonore.

 

 

Cet article a aussi été publié dans le quotidien suisse Le Temps du 30 décembre 2016.

 

 

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