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Fantaisies littéraires

  • Fantaisies littéraires. Chapitre IV. Guidoni et Prévert

     

    Coup de projecteur mensuel sur un album aux accents littéraires. Quatrième volet avec Jean Guidoni et Jacques Prévert.

    Les chanteurs aiment la littérature. Oh bien sûr, de loin pas tous! Mais ceux que l'on a envie d'évoquer au fil de cette chronique – une certaine chanson actuelle - la choie d'une manière singulière. Contemporaines ou modernes, poétiques ou philosophiques ou documentaires, de belles plumes littéraires touchent ces voix francophones qui aiment à les mettre en musiques. Comme avant guerre Verlaine a touché Damia, Jean Cocteau Marianne Oswald ou tel l'état de grâce vécu après guerre du tandem Jacques Prévert-Joseph Kosma auprès de nombreux interprètes, les belles feuilles qu'écrivent chanson et littérature sont aujourd'hui loin d'être mortes.

    Jean-Louis Murat, Dominique A, Arman Méliès, Bertrand Belin, Bastien Lallemant, Berry, Barbara Carlotti, Claire Diterzi, Lola Lafon, Rodolphe Burger, BabX et bien d'autres entretiennent une relation forte avec la galaxie littéraire.

    GuidoniPrevert.jpg

    Il a beau reprendre Prévert, ce n’est pas pour emprunter le chemin des «Feuilles mortes» balisé par Gréco et Montand ou, indirectement, par Gainsbourg. Jean Guidoni, lui, préfère des chansons aux tonalités plus sombres, parfois surréalistes, telles «Chasse à l’enfant» (en duo avec Juliette), «Maintenant j’ai grandi» ou «Etranges étrangers» qui a donné son nom à un album paru début 2009. Le chanteur français y cultivait encore le décalage propre à son parcours atypique depuis plus de trente ans.

    Depuis ce moment charnière du début des années 80 qui marque le réel départ artistique d’un homme évoquant alors sans fard l’homosexualité tout cuir, la pornographie, la nécrophilie. L’époque d’un répertoire des marges qu’en scène, grimé de blanc et vêtu de noir avec bas résille en prime, Guidoni interprète dans des scénographies interlopes héritées des atmosphères cabarets du Berlin des années 1920.

    Avec lui, Prévert prend donc logiquement des airs plus blafards. En treize chansons, le poète devient le chantre d’une gamme de noirceurs que Guidoni sait restituer avec la justesse de son timbre charbonneux évoquant un mélange entre Lavilliers et Nougaro. Depuis 1989, où Guidoni avait déjà repris Prévert sur scène, les textes du poète ont continué de le hanter. Marqué par l'univers noir de Prévert, son regard lucide sur le monde et la dimension cinématographique de ses textes, Guidoni le reprendra ainsi souvent durant les rappels de ses concerts. Avant de s'y consacrer tout entier dans cet Etranges étrangers au parfum de souffre et aux climats cinématiques, où les musiques ne sont plus exclusivement signées Kosma.

    Jean Guidoni chante Prévert, Etranges étrangers (Edito Musiques)

  • Fantaisies littéraires. Chapitre III. Daho et Genet

     

    Coup de projecteur mensuel sur un album aux accents littéraires. Troisième volet avec Etienne Daho et Jean Genet.

     

    Les chanteurs aiment la littérature. Oh bien sûr, de loin pas tous! Mais ceux que l'on a envie d'évoquer au fil de cette chronique – une certaine chanson actuelle - la choie d'une manière singulière. Contemporaines ou modernes, poétiques ou philosophiques ou documentaires, de belles plumes littéraires touchent ces voix francophones qui aiment à les mettre en musiques. Comme avant guerre Verlaine a touché Damia, Jean Cocteau Marianne Oswald ou tel l'état de grâce vécu après guerre du tandem Jacques Prévert-Joseph Kosma auprès de nombreux interprètes, les belles feuilles qu'écrivent chanson et littérature sont aujourd'hui loin d'être mortes.

    Jean-Louis Murat, Dominique A, Arman Méliès, Bertrand Belin, Bastien Lallemant, Berry, Barbara Carlotti, Claire Diterzi, Lola Lafon, Rodolphe Burger, BabX et bien d'autres entretiennent une relation forte avec la galaxie littéraire.

     

    DahoMoreau.jpgJean-GENET-LE-CONDAMNE.jpgQuant à Etienne Daho, on savait au moins depuis qu'il interprétait sur scène "Sur mon cou" dès le début des années 2000 que la poésie de Jean Genet l'interpellait. Mais de là à songer que le chanteur livrerait un jour sa version intégrale du Condamné à mort, il y avait un monde. Aujourd'hui pourtant, en compagnie de Jeanne Moreau, Daho reprend magnifiquement à son compte le texte charnel et poétique, subversif à souhait, de Genet. Le condamné à mort est la première oeuvre publiée par Jean Genet à compte d'auteur, en 1942.

    Le poète (1910-1986), emprisonné alors à Fresnes pour vol, imagine l'ultime nuit d'un condamné à mort enfermé dans un bagne. Près de septante ans plus tard, Daho et Moreau lui redonne un souffle voluptueux en conjuguant leurs talents à celui d'Helène Martin qui l'avait orchestré une première fois dans son intégralité en 1970 pour la voix d Marc Ogeret. Après l'avoir elle-même interprété en 1962 déjà. La bande-son, tour à tour lancinante et mélodiquement sautillante, participe du ravissement des sens du Condamné à mort. Tandis que les arrangements pop et dépouillés imaginés par Daho évitent l'écueil du lyrisme maniéré habitant souvent ce genre d'exercice. Histoire de prouver que la poésie peut encore s'envelopper d'atours modernes.

    Genet dédie le poème à la mémoire d'un jeune assassin, Maurice Pilorge, guillotiné le 17 mars 1939 à Saint-Brieuc qui aurait tué "pour les yeux bleus d'un bel indifférent qui jamais ne comprit mon amour contenu". Un personnage qui le fascine littéralement, "dont le corps et le visage radieux hante mon sommeil" souligne-t-il en épilogue, et objet de tous ses fantasmes. Paradoxalement donc, ce n'est pas un univers oppressant et douloureux que Genet a choisi de mettre en scène, mais un monde d'un érotisme homosexuel exacerbé: "Tristesse dans ma bouche! Amertume gonflant/ Gonflant mon pauvre coeur! Mes amours parfumées/Adieu vont s'en aller! Adieu couilles aimés! Ô sur ma voix coupée adieu chibre insolent!". Où l'image phallique est d'ailleurs omniprésente dans la rigoureuse métrique du poème, servant à révéler entre les strophes un mélange de tendresse et de violence, de norme et de déviance, de pudeur et d'obscénité.

    En mêlant leurs voix, Etienne Daho au chant et Jeanne Moreau à la lecture, ravivent la sensualité extrême des quatrains principalement en alexandrins de Genet. Derrière une facture classique, la transgression est partout. Entre sublimation d'un criminel prisonnier et amours homosexuelles, le poème développe ses thèmes sulfureux. Véritable chant d'amour, Le condamné à mort transpire la lascivité interdite, la provocation.

    Le Condamné à mort (Radical Pop Music-Naïve). Parution le 26 novembre 2010

     

  • Fantaisies littéraires. Chapitre II: Murat, Ferré et Baudelaire

    Coup de projecteur mensuel sur un album aux accents littéraires. Second volet avec Jean-Louis Murat, Léo Ferré et Baudelaire.

     

     

    MuratBaudelaire.jpgLes chanteurs aiment la littérature. Oh bien sûr, de loin pas tous! Mais ceux que l'on a envie d'évoquer au fil de cette chronique – une certaine chanson actuelle - la choie d'une manière singulière. Contemporaines ou modernes, poétiques ou philosophiques ou documentaires, de belles plumes littéraires touchent ces voix francophones qui aiment à les mettre en musiques. Comme avant guerre Verlaine a touché Damia, Jean Cocteau Marianne Oswald ou tel l'état de grâce vécu après guerre du tandem Jacques Prévert-Joseph Kosma auprès de nombreux interprètes, les belles feuilles qu'écrivent chanson et littérature sont aujourd'hui loin d'être mortes.

    Jean-Louis Murat, Dominique A, Arman Méliès, Bertrand Belin, Bastien Lallemant, Berry, Barbara Carlotti, Claire Diterzi, Lola Lafon, FerreBaudelaireII.jpgRodolphe Burger, BabX et bien d'autres entretiennent une relation forte avec la galaxie littéraire.

    Le cas du barde auvergnat Jean-Louis Murat est à cet effet assez exemplaire. En 2007, dans Charles et Léo: Les Fleurs du Mal, il reprenait le chantier que Leo Ferré avait laissé en plan mélodique après deux albums consacrés à Baudelaire. A l'occasion du 150e anniversaire des Fleurs du Mal, le lettré et romantique Murat se glissait dans une ode aux sens, au spleen et aux enfers. Le résultat est d'une finesse pop exemplaire, sans maniérisme ni lyrisme trop prégnant, et supplante les exercices que Murat avait dédiés aux poètes Béranger et Antoinette Deshoulières. Entre amour et damnation, ironie et double sens, il déguste et célèbre les finesses de vers riches et rimes raffinées, plaçant les douze poèmes courts sous un addictif voiFerreBaudelaire.jpgle mélancolique.

    Un an plus tard, c'est Léo Ferré qui allait répliquer d'outre-tombe à Murat. Charles Baudelaire fut un phare pour Léo Ferré. Au fil de près de cinquante ans de création ininterrompue et protéiforme - chansons fleuves, partitions symphoniques ou hallucinées, oratorios, bandes originales de films, orchestrations pop, recueils de poésie, textes en forme de manifestes enflammés, écrits méconnus pour le théâtre -, Ferré est régulièrement revenu à Baudelaire. De ce poète de la subversion, il a mis en musiques une cinquantaine de textes ou poèmes. Des adaptations réparties sur les années 1957, 1967, 1976-1977, dont on ne trouve que de rares traces orchestrées dans le répertoire de Ferré.

    En 2008 donc, à l'occasion des quinze ans de la mort de Ferré, vingt et une Fleurs du Mal d'une nudité sublime resurgissaient soudain. Ces versions, enregistrées par l'astre noir de la chanson au seul piano dans son atelier-studio de Toscane, à Castellina in Chianti, incarnent ainsi une belle matière inédite. Les Fleurs du Mal, suite et fin, qui paraît en même temps que la réédition du disque épuisé de 1957, ce sont autant de maquettes dépolies, à la fois arides et fluides, où s'immiscent parfois les bruits ambiants captés par le micro et le magnétophone qui trônaient sur le piano. De lancinantes mélodies portées par ce chant qui semble toujours tout juste s'extirper d'un champ de bataille. Deux visions, autant de versions de Baudelaire qui se complètent aujourd'hui admirablement.

  • Fantaisies littéraires. Chapitre I: Berry et Verlaine

    Coup de projecteur mensuel sur un album aux accents littéraires. Prologue avec la chanteuse Berry.

    Les chanteurs aiment la littérature. Oh bien sûr, de loin pas tous! Mais ceux que l’on a envie d’évoquer au fil de cette chronique – une certaine chanson actuelle - la choie d’une manière singulière. Contemporaines ou modernes, poétiques, philosophiques ou documentaires, de belles plumes littéraires touchent ces voix francophones qui aiment à les mettre en musiques.Comme avant guerre Verlaine a touché Damia, Jean Cocteau Marianne Oswald ou tel l’état de grâce vécu après guerre du tandem Jacques Prévert-Joseph Kosma auprès de nombreux interprètes, les belles feuilles qu’écrivent chanson et littérature sont aujourd’hui loin d’être mortes.


    Berry.jpg06-verlaine-chanson-pour-elle.jpgJean-Louis Murat, Dominique A, Arman Méliès, Bertrand Belin, Bastien Lallemant, Berry, Barbara Carlotti, Claire Diterzi, Lola Lafon, Rodolphe Burger, BabX et bien d’autres entretiennent une relation forte avec la galaxie littéraire. Ainsi de Berry par exemple, jeune révélation en 2008 grâce à un album vêtu de peu appelé Mademoiselle. Dévoreuse de poésie chérissant Verlaine et Gainsbourg, celle qui a choisi son pseudonyme en hommage à George Sand (originaire du Berry) a rêvé théâtre avant d’embrasser la chanson. Pour y égrener sans révolution son indolente poésie des sentiments amoureux. Et son spleen de se nourrir de sa véritable fascination poétique.

    Elle dit avoir dévoré et usé Cantilène en gelée, recueil de Boris Vian daté 1949 et s’être enivrée en compagnie d’Apollinaire. Mais la grande affaire de Berry, son panthéon, c’est Verlaine, dont elle a adapté littéralement dans Mademoiselle les poèmes les moins pornographiques de Chansons pour elle et autres poèmes érotiques: Chéri et Les Heures Bleues. Et Berry de nous ramener ainsi à la grande tragédienne réaliste Damia qui s’était appropriée jadis Le ciel est par-dessus le toit et D’une prison de Paul Verlaine. Comme quoi, les poètes continuent d’entrer en chanson et ce qui tend à prouver qu’on n’a pas fini de boucler la boucle de ces échos entre littérature et chanson à l’heure où salles de spectacles et médias réclament beaucoup de nouveautés. 

    Cette chronique est à lire également sur www.syllabus.ch