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crayons

  • Episode XII: Amélie-les-Crayons

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies

     

    Amélie-les-Crayons, La Porte plume (Neômme, 2007)amelieporteplume.jpg

    Elle ne paie pas de mine. Et pourtant, Amélie-les-crayons, derrière sa candeur de façade et ses mélodies qui jouent à saute-mouton, est en train de se tailler une jolie place dans la chanson francophone. Son répertoire d'une infinie féminité, sensibilité et poésie s'est bonifié avec les années.

    Depuis son apparition avec Le chant des coquelicots (2002) puis Et pourquoi les crayons? (2004), cette Française qui se rêvait institutrice ou fleuriste creuse un univers résolument enchanteur. Un monde à part, fenêtre rêveuse qui s'extirpe habilement du quotidien tout en se nourrissant de ses détails, qui parvient à toucher sans pour autant comporter de révolution majeure. A pas de velours, la chanteuse et pianiste s'est d'abord imposée sur scène avec deux spectacles successifs aux mises en scène soignées, "Le tour de la question" et "Le retour de la question", où apparaissait un cousinage avec la Jeanne Cherhal d'avant L'Eau. Sauf qu'Amélie se veut davantage hors du temps, lunaire, et s'est construit avec force coquelicots décoratifs un délicieux personnage en quête d'amour         comme fil rouge narratif.

     

    La Porte plume charrie de cocasses et plus graves portraits, affine l'exploration du territoire humain. L'écriture comme les compositions ont gagné en relief. Amélie se dévoile ainsi plus mûre, mature et précise dans ses textes métaphoriques où, dans le miroir, c'est toujours une infinie tendresse que l'on devine. Et, sans doute encore, certains traits d'un caractère qu'on imagine bienveillant. Dans La porte plume, une maigrelette se voit emportée par un vent de solitude, une amoureuse perd la notion de la réalité, un gros costaud finit par s'attendrir et les pissotières sont le décor d'une chanson-sketch.

    Si les gens ordinaires ou les proches qui se dessinent sous sa plume sont plein d'humour et de malice, ils portent aussi en eux quantité de non-dits et de mélancolie. Il suffit d'écouter "Le linge de nos mères", "La dernière fille du monde" ou "L'errant" pour se convaincre qu'Amélie cultive désormais davantage de spleen. Moins fleur bleue, eau de rose et femme-enfant, ce n'est plus Amélie-jolie mais Amélie tout court qui s'offre délicieusement à nous. Ultime preuve de cette saine maturation où surgit encore désormais la question de la mort, l'instrumentation luxuriante venue étoffer son jardin secret. Se méfier de l'eau qui dort, suggère la chanson "Calées sur la lune". Plus que jamais en effet.