Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangé sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies.
Pierre Bondu, Quelqu'un quelque part (Le Village Vert, 2004)
Cascades de clavecins, déluges de cordes, Pierre Bondu n'entrevoit que luxuriance dans son art orchestral de la chanson. Une emphase qui confère à Quelqu'un quelque part, deuxième album du Nantais, à la fois l'essence de ses charmes et l'étoffe de ses défauts musicaux. Au fil de chansons qui prennent volontiers des airs de symphonies de poche, Bondu révèle pourtant une écriture aussi intimiste qu'élégante et séduisante. S'il a choisi la voie d'une pop nimbée de finesses sonores qui finit parfois par agacer par excès de joliesse, les clairs-obscurs rétro et l'évidence mélodique émanant des morceaux de vie déclinés revêtent de solides atours.
Armé d'un timbre de voix évoquant de manière troublante celui d'un Etienne Daho dans sa prime jeunesse, Bondu égrène ici le film de son existence. Entre solitude et ennui, paradis perdus et douces rêveries, frustration et chagrin, Quelqu'un quelque part fait figure de disque romanesque. Avec toute la désinvolture d'un dandy chic qui ne craint point de jouer sur ses fragilités pour mieux amadouer, l'auteur-compositeur et chanteur, qui a travaillé comme guitariste ou arrangeur dans l'ombre de Dominique A, Françoiz Breut, Katerine, Miossec ou Anna Karina, parvient même à se faire passer pour un orphelin éploré («Quitter la terre»). S'il s'affranchit en tout cas d'élégante manière de ses pères en chanson, Bondu laisse aussi entrevoir quelques belles dispositions pour des climats plus possédés («Du genre à tomber»). Un côté obscur qu'on aurait d'ailleurs souhaité le voir explorer avec plus de force. On attend toujours impatiemment la suite du collaborateur du délirant Robots après tout de Katerine, tant son univers nous avait mis l'eau à la bouche.