Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Katerine, chansons au nom du père

Dans un dixième album dépouillé en forme de «Film» intime né sur les cendres de la disparition de son père, l’excentrique Français s’est métamorphosé en chanteur aussi troublant que touchant. Rencontre avec un homme qui, à 47 ans, se dit moins honteux dans l’écriture et enfin en phase avec ses sentiments.

(Photo: Cinq7/Eric Garault)

C’est «Le Film» de sa vie récente. Celui d’une disparition douloureuse qui engendre des chansons intimes mais jamais noires. En perdant son père, le loufoque et excentrique Katerine s’est métamorphosé en chanteur aussi troublant que touchant. Un heureux accident au final, aux dires du Français, qui reçoit chaleureusement dans un petit salon d’un hôtel genevois, cravate bariolée sur chemise blanche et pantalon rouge, la voix encore claire en cette fin de journée de promotion grâce à des pastilles contre le mal de gorge: «Au départ, je pensais juste écrire dans mon cahier des impressions ou de petits poèmes, sans penser à des chansons ou à un album. Je voulais faire de la poésie, chose que j’ai complètement lâchée depuis ma chanson «Mort à la poésie» (2002, ndlr), qui était à l’époque une réelle déclaration d’intention.»

Dixième disque marqué par le deuil, Le Film voit donc le Vendéen d’origine restituer, en 16 brefs plans-séquences, sa catharsis très personnelle. Une impérieuse nécessité, simplement accompagnée d’un piano minimaliste le plus souvent: «Il fallait que j’expulse des choses par des mots ou des dessins. Ces nouvelles chansons se sont avérées une question de survie. Je serais devenu fou sans écrire. La seule façon de m’en sortir était de retrouver mes «re-pères» sans mauvais jeu de mots.» A l’adresse de son défunt papa, il chante ainsi tendrement: «T’aimais pas les chanteurs qui bougent le cul/T’aimais pas les chanteurs qui chantent aigu/Mais tu m’en voulais pas, c’était bien comme ça/Si c’était bien pour moi […] J’ai perdu mon papa, je le cherche partout/J’ai perdu mon papa, ça va me rendre fou/J’ai des désirs de meurtre/J’ai des désirs de meurtre.»

 

Rouler au hasard

 

Ces pulsions sanguinaires avouées, matérialisées dans ce titre «Papa» par la mise à mort d’un hérisson qui joue le rôle de bouc émissaire, ont répondu en fait à une autre pulsion de Katerine qui a fini par donner le ton faussement naïf à cette collection de saynètes attachantes aux allures de comptines constituant Le Film. «Je suis parti cinq jours au hasard sur la route, dans une voiture de location sans GPS, avec mon cahier que je tenais comme une bouée de sauvetage. C’est une chose que je n’avais jamais faite seul, mais plus que tout, j’avais besoin d’être seul un mois après le décès de mon père (en 2014, ndlr). Sans le prévoir, je suis pourtant revenu sur mes terres d’enfance, en Vendée. Comme une bête à la dérive, d’instinct comme les chiens, je suis revenu chez moi après être parti de Figeac, dans le Lot. Et je suis donc allé logiquement dire bonjour à ma mère…»

 

 

Une mère qui lui a fait récemment le plus beau des compliments: «Elle m’a dit que mon père aurait adoré ce disque. Le Film lui a d’ailleurs aussi beaucoup plu. Du fait qu’il est plus sage, poli, et qu’elle comprend mieux les textes que dans le précédent, Magnum, où il y avait trop de batterie, de boucan à son goût. Ces remarques m’ont en tout cas fait sentir que je n’étais pas passé à côté de ce que je ressentais.» Dans son mini-road trip psychothérapeutique en forme de retour aux sources, qui passe par les routes d’Auvergne et du Limousin, Katerine se libère peu à peu de ses idées macabres. Il déroule le fil de son périple intérieur avec des mots simples, sans se souvenir des lieux où ont surgi précisément ses impressions: «La seule chose que je sais, c’est que toutes les chansons ont été écrites chronologiquement. Le premier poème fini était «Le film» et le dernier «Moment parfait». Ce qui correspond à l’ordre des titres du disque.»

Le Film de Katerine évoque ainsi sobrement ou de façon burlesque autant des grands thèmes comme l’amour, la mort, le bonheur ou le temps qui passe que des impressions fugaces sur la complexité des rapports humains, l’enfance, le trafic routier, la nature, les danses traditionnelles et un pique-nique parisien. Une mise à nu qu’il a naturellement eu envie de chanter sur le piano qui traînait chez lui depuis un certain temps et qu’il a «longtemps croisé sans lui dire bonjour», en pyjama parfois.

 

La suite est à lire sur le site du quotidien suisse Le Temps, où cet article a été publié le 7 mai 2016.

Les commentaires sont fermés.