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Une révélation pour 2010

 

Oy, l'enfance de l'art                                                                                     OyCover.jpg

Des galeries d'art contemporain new-yorkaise aux clubs et festivals européens, Oy séduit grâce à des pièces sonores où se croisent autant l'expérimental que l'electro, le hip-hop que le jazz, la soul que l'art acousmatique. Après avoir séduit les Eurockéennes et le Montreux Jazz Festival cet été, elle s'est attaquée aux Transmusicales de Rennes et s'apprête à conquérir l'Eurosonic à Gröningen. Entretien avec LA révélation helvétique de 2010.

Des pirouettes vocales et des variations de registres déconcertants. Pour son premier album, First Box Then Walk, Oy stupéfie littéralement. Suissesse d'adoption native du Ghana, la chanteuse impressionnait déjà sur les délirantes hybridations electro-jazz-hip-hop d'Infinite Livez vs Stade -Live At La Guinguette (2009), Morgan Freeman's Psychedelic Semen (2008) et Art Brut Fe De Yoot (2007)- ou chez Filewile. En vingt-six morceaux truffés d'interludes, Joy Frempong de son état civil épanche en solo sa soif d'esthétiques.

Habituée de la scène des musiques improvisées, elle repousse ses limites vocales au fil de pièces où se croisent autant l'expérimental que l'electro, le hip-hop que le jazz, la soul que l'art acousmatique. Des aires de jeux ludiques au piano dans l'esprit de Satie se mêlent aussi à des chants plus rageurs ou profonds à la manière de son héroïne Nina Simone. Samples et machines, scat et scansion, saturation et fluidité, instruments-jouets et boucles electro dessinent une mosaïque des plus colorées. Jeux de pistes mémoriels où l'enfance est omniprésente et humour frappadingue complètent ce tableau tour à tour impressionniste et expressionniste au sein duquel apparaît entre autres une sorcière planquée dans la cuvette des WC. Dada préférerait Oy. Bluffant de maestria en tous les cas.

-First Box Then Walk évoque beaucoup l'enfance. Est-ce des souvenirs de la vôtre ou est-elle fantasmée?
Les mots sont inspirés par mes souvenirs ainsi que des souvenirs d'amis à qui j'avais demandé de m'envoyer des histoires. J'ai coloré et développé ces textes pour mes chansons.
-Vous souvenez-vous de votre enfance au Ghana?

Oui, j'avais 7 ans quand on a déménagé en Suisse et suis retournée quelques semaines au Ghana tous les trois ou quatre ans. Les souvenirs les plus importants de cette époque ne sont pas des histoires concrètes, mais je garde en mémoire cette liberté de pouvoir sortir tous le temps -j'étais toujours dehors, j'ai même dormi à la belle étoile sur le toit de notre voiture quand j'avais trop chaud. Il y avait toujours du monde autour de nous, des visiteurs, beaucoup d'odeurs: animaux, épices, etc. Quand je vais au Ghana maintenant, je suis à moitié touriste tout en me sentant à la maison.

First Box Then Walk embrasse toutes les esthétiques musicales. Est-ce le reflet de votre ouverture d'esprit ou de la difficulté de choisir une esthétique?

Pour moi, les deux sont vrais. Et c'est peut-être pour ça que j'aime bien travailler avec des thèmes, des concepts. Le lien entre les chansons dans cet album a trait aux histoires d'enfance et à une approche ludique. Mais j'aime la diversité stylistique, et suis contente de réunir tout les aspects que j'aime dans ma musique. Par contre, il est bien possible qu'un jour le concept sera de rester dans un seul style.

-Vous êtes fascinée par Nina Simone? Plus séduite par la voix, la musique ou la personnalité?

C'est la musique et la voix. J'aime la profondeur et force de sa voix qui en même temps est pleine de fragilité. Sa voix est tellement expressive et émotionnelle qu'on y trouve toujours un côté tragique, même dans les morceaux allègres. On croit chacun de ses mots. Et j'aime bien aussi le mélange qu'elle a produit entre jazz, blues et folk avec une touche classique.

-Qu'apportent vos collaborations à Stade et Filewile à votre propre travail?

Stade m'a beaucoup influencée - j'avais acheté un sampler quand j'avais 17 ans et jouer avec Stade, grand maestro des samples, m'a donné envie de me replonger dans cet univers. Presque tous les sons sur mon disque sont des samples que j'ai enregistré et joué, sous l'influence d'Audétat et de Calpini (Stade) mais quand même dans une autre langue et surtout pas aussi puissamment. Enfin, Christophe Calpini a ajouté des beats forts à la fin qui ont faire grandir les morceaux. Quant à Filewile, ils font une musique très ludique et positive qui m'aide à oublier parfois mes éternelles introspections. J'ai adopté d'une certaine manière leur légèreté musicale.

-Quelles difficultés avez-vous rencontrez pour transposer l'univers éclaté du disque sur scène?

Comme j'avais décidé de jouer toute seule, je devais trouver une solution pour lancer toutes les pistes musicales différentes. L'une des solutions a été d'adopter des poupées, pour ne pas lancer des pistes simplement d'un ordinateur, qui seraient de petits amis sur lesquels je pourrais taper à ma guise! Plusieurs morceaux ont aussi donné d'autres versions sur scène, en utilisant le loopeur et parfois des sons qui ne figuraient pas sur le disque. J'ai donc expérimenté énormément, jammé, trouvé de nouvelles possibilités. Mais il y a quelques morceaux que j'arrive toujours pas à transposer en live. Mais ce n'est pas grave.

First Box Then Walk (Creaked Records) est paru en mars 2010

Cet article est aussi paru dans le no d'Hiver 2010-2011 de GustavMag

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