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  • Octobre 2014 - Arthur H, pop de hauts en bas

    Arthur H, Soleil dedans, album, chanson Soleil dedans (Polydor)

    Des chansons éclairées de l'intérieur et une voix haut perchée brillante. Pour Soleil dedans, Arthur H a choisi de muer quelque peu. Enregistré entre Montréal et Paris, le successeur de Baba Love (2011) prend des airs de pop cosmique et convoque volontiers les éléments pour ces divagations sensuelles mises sur orbite par "L'Autre côté de la lune". Une clin d'oeil à Pink Floyd en guise de prolégomènes planants qui permet de donner le ton général du répertoire neuf.

    Peu d'ambiances nocturnes ou de clairs-obscurs baudelairiens ici, comme si le fils de Jacques Higelin se délestait toujours un peu plus du fardeau mélancolico-poétique qui lui a valu de beaux succès. Mélodies en ciel dégagés, groove fluide, éclaircies vocales, psychédélisme bon teint et touches jazzy confèrent à ce dixième album studio une belle allure. La patte élégante du musicien et chanteur canadien Patrick Watson (qu'Arthur H a croisé à l'ombre de la défunte Lhasa) y est sans doute pour beaucoup. Le seul hic étant que cette légèreté colorée a par trop tendance à l'évanescence et finit par ne plus toucher. A l'image de "La caissière du super", "L'aéroport de Los Angeles" ou "Les Papous, c'est nous". Le bon équilibre reste à trouver pour Arthur H.

     

     

  • Auberson sens dessus dessous

    Entre « Offshore », nouvel album de chansons, des escapades avec Piano Seven et une création au côté de la formation electro-jazz KiKu, Pascal Auberson multiplie les pistes sonores. Rencontre avec « l'éternel touche-à-tout que tout touche ».

    pascal Auberson, Offshore, chanson, album

    «Revenu de tout, mais sans cesse en partance/Ayant passé ma vie à noyer le poisson», résume-t-il en introduction de «Seul sous la douche», chanson générique en mode écriture automatique humoristique de Offshore, son nouvel album exclusivement numérique. Pascal Auberson, grâce à un pertinent regard holistique, y égrène dans son franc parlé-chanté ses incessants et vitaux changements de casquette artistique.
    Soit quarante-cinq ans d’un parcours truffé de détours et allers-retours entre percussions et composition, chanson et danse, cinéma et théâtre, big band et piano, tuba et improvisation sans borne ou comptage des mesures dans les fosses d’orchestre. «C’est presque une caricature de moi-même, celle d’une personnalité touche-à-tout qui a passé sa vie à faire le zouave et à faire croire. J’ai toujours été un cheval qui ne supporte par le mors.»

    Autant de bouteilles à la mer
    Dans son historique atelier du quartier du Flon à Lausanne voué à la destruction, des peintures géantes sur panneaux en aluminium témoignent encore d’une nouvelle passion créative du «touche-à-tout que tout touche». L’auteur-compositeur, interprète-acteur, comédien-danseur et vice-versa évoque pour l’heure avec fougue les dix-neuf titres composant ce Offshore, en forme de condensé lui aussi des différents visages d’Auberson que la chanson a connus depuis le mitan des années 1970 et les succès en francophonie et sur le plateau du "Grand Echiquier" de Jacques Chancel d'«Ophélie», «L’Paradis», «Il faut que ça swingue» ou «Jamaïca».

    Autant de bouteilles à la mer conjurant l’amer mais aussi l’extraordinaire, conjuguant variété et expérimentation, économie et faste, jazz et électro, lyrisme et mélancolie, slam et pop, amour et mort, second degré et thèmes sociétaux sérieux dans la veine ­urbaine de Kélomès (2009). Avec, en guise de provocation drôle charriant un fond de ­vérité, un «J’suis un chanteur populaire» ­s’épanchant ainsi: «J’suis un chanteur ­populaire mais de qualité, qui veut toujours défaire tout recommencer/Qui veut marier Schubert avec Bob Marley/Parker avec Fauré, rastaquouères et paumés.»


    pascal Auberson, Offshore, chanson, albumA 62 ans, le chanteur ne se lasse en tout cas pas de butiner, allant jusqu’à imaginer pour le site internet flambant neuf qui ­accompagne la sortie de ces morceaux ­inédits une troublante visite virtuelle à 360o de son espace de création où il se dédouble à foison, dans chaque pièce et derrière tous ses instruments. Et si Auberson offre une première version scénique d’Offshore ­samedi à Fribourg, la seconde attendra ­puisqu’il prend le large en novembre avec Piano Seven pour une tournée d’adieu ­passant par Bangkok et Singapour. Avant d’aller repousser les frontières du jazz et de ­l’electro au sein de KiKu, pour une création en fin d’année. «C’est un peu l’anarchie mais il faut croire que j’aime ça», relève-t-il lucidement.

    Ne pas sombrer dans la nostalgie
    Cette soif de grands écarts et de liberté de ton, l’homme-orchestre l’étanche ­pleinement au fil de cet album-mosaïque, imaginé comme une œuvre amenée à évoluer et à se voir complétée par des visuels ou des titres inédits. Arrangé par le fidèle Christophe Calpini (Bashung, Stade), photographie d’un an et demi d’enregistrements aux côtés de différents musiciens (Barbouze de chez Fior, Daniel Bourquin, Cyril Regamey, Laurent Poget ou les ­enfants et le frère de Pascal Auberson) ­ravivant les plumes poétiques de Verlaine ­(«Sagesse»), Jean-Villars Gilles («Dollar») et accueillant les premières chansons ­d’auteures romandes (Catherine Richard et Nicole Gaillard), ce Offshore que seul l’océan immatériel pouvait absorber révèle bien toutes les facettes de son géniteur. «Je suis obsédé par le renouvellement pour ne pas sombrer dans la nostalgie. C’est aussi la raison pour laquelle je diversifie les collaborations.»

    L'improvisation, moteur de création
    En quête perpétuelle d’alchimies libertaires, une main chassant sa longue chevelure en proie à la canitie, Auberson détaille ce répertoire disparate où il accoste de nombreux rivages stylistiques et vocaux. Des jeux de mots écornant la mythologie rock’n’roll et l’acharnement artistique de certaines de ses figures («Faut s’faire à l’idée») à l’exercice de style poétique en verlan phonétique («La Nuit Yunal») via un titre en anglais affublé d’un accent français volontairement risible («Swansong»), un clin d’œil à la chanson italienne et au ­«Gelato al Limon» de Paolo Conte en particulier («Bella Vita»), des rimes sur les mers et terres souillés («Arrière!») ou un sujet de société délicat («Don d’organe»), l’enfant de Chavornay ose tout.

    L’improvisation y est souvent moteur de création. Et la voix d’Auberson, embrassant un large spectre d’inflexions, se met au ­diapason de ce sens dessus dessous musical entre acoustique et électronique, free jazz ou rock, d’où se distingue un vibrant ­hommage à l’élégance de Bashung, «Rien ne rime, tout se tient»: «De derrière tes ­lunettes, tu vomis l’ordinaire/D’un décor en plastic, d’un soleil à l’envers/Eh! tu t’amuses des mots, des hameçons des baisers/Tu les suces tu les craches, les ranimes les cravaches.» Un credo suspendu à l’âme-son d’Auberson, qui constate avec plaisir que son personnage versatile semble enfin accepté en Romandie: «Même si on peine à me cerner encore!»

     

    Offshore (Le Beau Menace Editions/Evasion Musique). Album disponible uniquement sur iTunes. extraits sur www.pascalauberson.ch
     
  • Septembre 2014: le retour en grâce de CharlElie Couture

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

     

    CharlElie Couture, ImMortel, Mercury, Universal Music, chanson, albumImMortel (Mercury)

     

    Il est enfin encensé après avoir longtemps suscité au mieux l'incompréhension médiatique, au pire le mépris de la critique au fil d'un parcours musical en dents-de-scie de plus de 35 ans d'où se détache nettement Poèmes rock (1981) produit par Chris Blackwell. 

    Trois ans après le très rock Fort Rêveur passé injustement inaperçu, CharlElie Couture brille à nouveau de mille feux, tout en continuant de chérir ces jeux de mots, double sens, ambivalences et décalages qui ont forgé son identité de poète urbain expérimental. ImMortels, lisible aussi I'm mortel, décortique cette fois la question du temps, de l'existence, de la disparition. Autant de thèmes anxyogènes esquissés à la manière de portraits intimes dont le chanteur, peintre et plasticien exilé à New York a confié la production à Benjamin Biolay. 

     

    Les patrons musicaux mid-tempo de son admirateur de longue date épousent habilement les mots de Couture qui oscillent entre amertume, vague-l'âme et humeurs chagrines. Hormis « Be an Artist », « La comédienne (bipolaire) », « J'ai des visions » où l'on songe davantage aux airs rock obsédants de Eels, ImMortels alterne blues-rock et jazz-pop tamisés avec cuivres et cordes peu fanfarons et batteries balayées. Une homogénéité sonore conférant une cohérence appréciable à défaut d'être époustouflante au 19e album studio du Français à la voix racée-pincée qui préférait jusqu'ici brouiller les pistes.

     

    Cette chronique a également été publiée dans le quotidien suisse Le Courrier du 25.10.2014