Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...
Le chanteur français signe "Eléor", un dixième album auquel fait subtilement écho un deuxième roman, "Regarder l'océan".
Eléor (Cinq7)
Regarder l'océan (Stock)
Ces derniers jours, il soigne les résonances. Entre chanson et roman, enfance et âge adulte, innocence et clairvoyance. Désormais, le chanteur Dominique A se confond de plus en plus avec l'écrivain Dominique Ané. En parallèle à son dixième album Eléor, il signe ainsi son deuxième livre, Regarder l'océan. Entre les deux, les échos sont clairs : "Si ma ligne de vie venait à se casser/ J'aimerais pour finir avoir encore le temps/ De monter sur la dune et le voir écumer/ J'aimerais pour finir regarder l'océan" ("L'Océan"). Un jeu de miroir subtil que s'offre sa plume démultipliée avouant, au détour du roman : "La vie me fait peur, mais il faut bien vivre. Un regret, si fort soit-il, n'y suffit pas. J'apprends à me faire aimer, et à aimer moi-même. Cela m'occupe".
Dans ce fil d'Ariane, les souvenirs prédominent. Embrumés côté chansons, plus nets sur le front du récit. Mais dans les deux formes, ce sont des lignes de fuite qui sont tracées comme autant de quêtes d'horizons inédits et de doutes à dissiper. Aux fragments d'une adolescence emplie d'inquiétudes que contient Regarder l'océan, Eléor répond pourtant par un répertoire sereinement mélancolique. Celui d'un Nantais de coeur de 46 ans entré en chanson pop avec détermination voilà près d'un quart de siècle, motivé notamment dans son choix par Jean-Louis Murat. "Je devais d'avoir trouvé ma voie, et ma voix, à Cheyenne Autumn; cet album m'avait parlé comme peu d'autres en français auparavant", admet-il dans la récente préface de Jean-Louis Murat : coups de tête, biographie de Sébastien Bataille (Eds Carpentier).
Eléor, comme Vers les lueurs voilà trois ans sacré aux Victoires de la musique, n’étouffe ni le feu ardent des noirceurs habituelles de Dominique A ni ses propensions à respirer le grand air. Le flux et reflux de son vague-à-l'âme s'écoule ici entre vaguelettes et rouleaux, rivage et grand large, en figurant parfois des panoramas grandioses, du Cap Farvel à la Nouvelle-Zélande. Moins violent en termes de contrastes atmosphériques que son prédécesseur, plus monochromatique et sujet aux clapotements monotones, ce nouvel enregistrement n'en révèle pas moins quelques perles passionnées. L'amour (é)perdu inspirant au chanteur des fulgurances aussi brutales que splendides sur des partitions paradoxalement apaisées : "Peut-être mon amour/ Mieux vaut ne pas s'aimer/ Qu'un jour ne plus s'aimer" ("Au revoir mon amour") ou "Dans la brume en pièces détachées/ Qu'avons-nous encore à cacher/ Quand il reste si peu de nous ? Ô Dieu que ce silence rend fou!" ("Eléor").
Si le lyrisme mélodique a pris le pas sur le tranchant rythmique, Eléor constitue peut-être le chapitre musical qui éclaire le mieux l'anxieuse nature de Dominique Ané. A moins que ce ne soit l'exposition « Dominique A, une enfance en Seine-et-Marne » qui lui est consacrée à Saint-Cyr-sur-Morin...
Cet article a aussi été publié dans le quotidien suisse Le Courrier du 4 mai 2015.