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Arno, au beau fixe rock'n'roll

Le parangon belge de la raucité chantée et des morceaux cabossés depuis plus de trente-cinq ans revient au plus proche de sa nature rock sauvage dans Human Incognito

« Je veux vivre dans un monde où les cons ne font pas de bruit ». Une noble utopie en guise d'introduction et revoilà Arno dans toute sa splendeur farfelue, blues et rock'n'roll, avec son sens de la formule percutante qu'il a parfois su ériger en slogan (« Putain, putain, c’est vachement bien, nous sommes quand même tous des Européens!», « I Sold My Soul on MTV » ou «Le lundi on reste au lit»). Parangon de la raucité chantée et des morceaux cabossés depuis plus de trente-cinq ans, Arnold Charles Ernest Hintjens pour l'état civil n'a jamais eu cure des civilités. Human Incognito, son 32e album tous patronymes artistiques confondus, ne déroge pas à la règle en décapsulant quelques formulations jouissives : du « I'm Just an Old Motherfucker » inaugural au « Santé » final qui trinque « à la santé des cocus du monde entier ».

 

Mais il serait injuste de cantonner le Belge polyglotte de 66 ans à ces pitreries lexicales et à sa désarmante naïveté. Toujours capable de touchantes ballades tamisées et de profonde fragilité, celui qui aime à se considérer comme « un chanteur raté », harmoniciste mué par hasard en interprète grâce au souffle du blues, active des blues-rock de vieux loup solitaire. Ainsi de « Je veux vivre », « Oublie qui je suis » ou « Dance Like a Goose » dont les langueurs hantées remplissent à merveille le cahier des charges qu'Arno s'était fixé : « A chaque fois, je me dis que je ne dois pas faire la même chose que sur mon disque précédent et c'est de plus en plus difficile. Il m'arrive de passer des nuits blanches à cause de ça. Mais une fois que j'ai trouvé ce que je veux, ça va très vite. Je suis un impulsif. Cette fois, j'ai souhaité privilégier une démarche organique. Il y a beaucoup moins de synthés et de claviers que sur mes albums précédents. Human Incognito, c'est ma voix, des guitares, une basse et une batterie », détaille le natif d'Ostende dans la notice biographique.

 

 

Une configuration instrumentale respectée -hormis sur le très électronique « Please Exit »- des plus efficaces qui confère à l'album produit par sa majesté britannique John Parish (PJ Harvey, Eels, Dionysos ou Dominique A), dont la patte enveloppait déjà Future Vintage (2012), un vernis poisseux de la plus belle espèce. Façonné encore par la productrice Catherine J Marks (Foals, PJ Harvey), le son brut râpeux de Human Incognito s'inscrit dans le continuum de cette mythologie du pur rock'n'roll non dévoyé que chérit Arno. Celui qui vient du blues de Sonny Boy Williamson, Muddy Waters ou Lightning Hopkins et enfantera tant les Rolling Stones que Small Faces ou Captain Beefheart.

 

Arno revient donc au plus proche de sa nature sauvage, sans révolution de palais mais avec cette prestance vocale éraillée capable de donner chair à n'importe quelle absurdité (« une vache qui danse le tango ») et de se montrer jubilatoirement inquiétante par moment (« Now She Likes Boys », « Never Trouble Trouble », « Ask Me For A Dance »). Arno, au beau fixe rock'n'roll en somme.

 

Cet article a aussi été publié dans le quotidien suisse Le Temps du 30 janvier 2016.

 

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