Pour son quatrième album, «Love», l'homme-orchestre allemand Konstantin Gropper se drape dans une mélancolie pop divinement sentimentale.
Des abysses à l'amour, il n'y aura eu que quelques étapes. Pour Get Well Soon en tout cas, dont les premiers pas d'une cathartique noirceur s'étaient effectués depuis un lit d'hôpital (Rest Now, Weary Head! You Will Get Well Soon, 2008) avant de suivre les traces de l'Apocalypse (The Scarlet Beast O' Seven Heads, 2012). Avec Love (Caroline International), son quatrième album, l'Allemand Konstantin Gropper a définitivement chassé ses démons liminaires et intermédiaires pour se placer en plein lumière. En s'épanchant sur les effusions de sentiments, l'homme-orchestre active avec sa formation prétexte onze chansons d'une mélancolie pop toute romantique.
La partition, plus solaire que chagrine, décline notamment sa science des « je t'aime moi non plus » sur quelques thèmes aux nuances plutôt étonnantes. Elle débute par un « It's a Tender Maze (« C'est un tendre labyrinthe ») pour s'achever par « It's a Fog » (« C'est un brouillard »), en passant par « It's a Mess » (« C'est un foutoir ») et « It's an Airlift » (C'est un pont aérien ») . Autant d'états d'âme que le chanteur et multi-instrumentiste Gropper a illustré seul savamment, parfois fougueusement, avec cordes, trompette, saxophone, guitares, piano et choeurs avant d'en confier les contours à ses musiciens au dernier moment.
Moins emphatique et plus percutant qu'auparavant, la pop de Get Well Soon conserve toutefois sa propension au romantisme avec des incursions dans la musique classique et les BO du 7e Art. Un romantisme fièrement assumé par Konstantin Gropper, qu'il résumait récemment ainsi aux Inrocks : « Oui, je suis un romantique, dit-il. Dès l’origine de ce projet, dès le choix de ce nom (« prompt rétablissement », ndlr), il y avait cette propension au romantisme qui a toujours guidé mes choix. La musique dépourvue d’émotion ne m’attire pas. On peut coller plein de choses derrière le mot « romantisme », mais pour moi c’est avant tout un état émotionnel que j’essaie de traduire en musique ». Reste que la pop de Get Well Soon a cette fois largement remplacé Bach et Ennio Morricone par les mélodies de la pop eighties et contemporaine, des Pet Shop Boys à The Divine Comedy, des Magnetic Fields à Tindersticks.
Passé l'ouverture éminemment mélancolique de « It's a Tender Maze », ce Love qui emprunte sa pochette à une toile du peintre paysagiste autrichien Friedrich Gauermann (1807-1862) trouve ainsi des élans inédits et déploie ses ailes amoureuses sur une pop vibrionnante aux mélodies souvent imparables (« It's a Catalogue », «Marienbad », «Young Count Falls for Nurse ») que de légères averses traverse ça et là (« It's an Airlift », « I'm Painting Money »). Sans jamais se parer pour autant d'artifices clinquants, Love soigne aussi bien sa palette sentimentale que sonore avec des orfèvreries en guise d'arrangements classieux. Les inflexions vocales de Gropper – sombres et graves, aigües ou haut perchées, capiteuses ou exaltées -, parachevant cet album aux parfums d'amour exquisement entêtants d'une exemplaire tenue.
Cet article a aussi été publié dans le quotidien suisse Le Temps du 27 février 2016.