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bertrand belin

  • Best of 2015

    Un petit coup d'oeil dans le rétroviseur de l'année 2015 en forme d'un Top 4 des albums marquants.

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  • Mai 2013

    Bertrand Belin, chanson de traverse

    Tout en rondeurs folk-rock et éclaircies pop, «Parcs» (Cinq7) poursuit la quête d’épure du Français.

    Bertrand-Belin-Parcs.jpgUn tarmac en guise de bienvenue à bord de Parcs. Le béton pour signifier la verdure. Une fois de plus, la forme et le fond semblent en contradiction chez Bertrand Belin. Pourtant, à y regarder de près, le quatrième album du chanteur-conteur est plus cohérent qu’il n’y paraît. Tant Parcs est encore et avant tout une exquise invitation au voyage et vagabondage.

    En un peu moins de dix ans, Belin est passé maître dans l’art de générer l’évasion, l’échappée belle atmosphérique. La chanson de traverse constitue sa prouesse. Dans Sorties de route (Ed. La Machine à cailloux, 2011), petit ouvrage où le Français réfléchit au processus de création, il s’interroge d’ailleurs sans vraiment répondre: «Mes chansons ne sont-elles pas, après tout, l’accompagnement sonore d’une dérive ou, plus justement, celui de l’éloignement d’une rive?»

    Au bout du fil, à l’heure de l’interview, on persévère pour décrocher une explication: «Je vois cela comme le plongeon ou des choses paradoxales qui questionnent les frontières. La dérive, cela peut autant être fuir le nazisme que s’éloigner en nageant. Ce qui me plaît dans cette notion et dans la chanson, c’est l’ambivalence, la promesse romanesque, le ressort dramatique, la beauté de l’inexorable».

    DÉVELOPPER SA SURVIE
    En toile de fond de Parcs apparaissent aussi ses préoccupations récurrentes: «La fuite du temps, la façon dont on s’arrange avec la solitude ou la vieillesse, dont on s’accommode avec notre bout de lorgnette dans ce monde complexe.» L’esthète Belin confesse écrire pour développer sa survie, conjurer les secondes qui s’égrènent: «Je trouve qu’on pourrait tout résumer ou lire à l’aune de la flèche du temps. L’histoire des techniques, du progrès n’est que cela. Mais je songe au temps comme à un véhicule. Le temps comme le voyage, le déplacement, le paysage du vivant. Dans cette idée, le futur me passionne autant que le passé. En somme, c’est l’ironie métaphysique du ­vivant qui me captive et nourrit mon répertoire.»

    Parcs offre un magnifique tour du propriétaire. Où l’on chemine aux côtés de personnages déboussolés (un homme au bord d’un plongeoir, un autre perdu, des hommes qui se battent, un couple qui se querelle) au coeur de paysages verts, broussailleux, pluvieux ou brumeux. Une faune indéfinie qui s’égare puis repart entre variations climatiques et changements d’humeur, à l’image de l’existence. Et le lexique volontiers symbolique et naturaliste de Belin, qui se déploie dans ces espaces temporels suspendus, de signifier joliment son art pointilliste du micro-détail mallarméen.

    Il y a trois ans, l’éblouissant Hypernuit privilégiait les épures à la Satie. En réaction aux luxuriances orchestrales de La Perdue (2007) avec force cordes et vents lyriques, Belin s’était soudain interdit les effets musicaux et les afféteries de langue pour imaginer un album «asséché, osseux». Entre ces deux extrêmes, Parcs trouve une voix apaisée et charrie un répertoire folk-rock plutôt alangui. «Parcs est clairement davantage une suite qu’une rupture. S’il y a souvent un nécessaire et logique inversement des polarités, je vois cet album plus comme un rafraîchissement, avec un ensoleillement plus pop sous quelques contours. Mais j’ai continué par contre mon travail sur la disparition de la masse de texte, comme sur Hypernuit».

    ÉNIGMATIQUE ET MÉLANCOLIQUE
    Une épure textuelle en forme d’obsession poétique pour ce Belin qui a dévoré Philippe Jacottet, Raymond Roussel, Francis Ponge, Henri Michaux ou Kazuo Ishiguro avec la même appétence que des traités d’orchestrations, des partitions de Prokoviev ou Bartok. La prose de Belin aime à jouer avec les points de suspension et l’impressionnisme, à figurer des situations furtives plutôt que de les développer. Chanteur d’esquisses, Belin écrit «sans thèmes choisis. Je réponds au présent, aux intempéries comme aux éclaircies. J’écris des chansons comme la bande-son de mon vivant.»

    Se laisser dériver, surprendre, encore et encore. Tout en conservant une dimension épique, énigmatique et mélancolique entre ses stances élégantes et parfois surannées. La chaleur et la rondeur des compositions viennent ainsi contrebalancer à merveille l’économie de mots. Entre folk-rock et pop américains, Belin place de son élégante voix indolente son répertoire sous les auspices croisés de Bill Callahan ou Howe Gelb. Deux références chéries par ce guitariste breton autodidacte qui a collaboré avec quantité de formations (Strompin’Crawfish, Sons of the Desert, Les Enfants des Autres, Néry) et avec le chorégraphe Philippe Découflé après des études d’harmonies et de solfège dans une école de jazz.

    Par ces figures de style enchanteresses, sa poésie des sens, sa fugacité lyrique ou ses silences, celui qui a grandi non loin des ajoncs des côtes sauvages du Morbihan s’affirme comme une perle de la francophonie chantante, dont il contribue assurément – aux côtés de Florent Marchet, Camille ou JP Nataf, au ravalement de façade initié par des Murat, Dominique A, Diabologum ou Mendelson.

     

    Cet article a aussi été publié dans le quotidien suisse Le Courrier du 8 juin 2013

  • Mai 2010

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...


    LallemantVerger.jpgBastien Lallemant, Le Verger (Acousti Studios)

    Un disque exquis où rôdent pourtant les cadavres en pagaille. Première ombre à ce tableau noir que Bastien Lallemant a dénommé Le Verger, une femme qui gît sur le sable fin et « que les vagues découvrent puis recouvrent sans fin ». Suit une jeune fille pas vraiment en fleur se perdant au fond des bois, sur les traces de son assassin. Avant qu'un cow boy à bout de nerf ne finisse par dézinguer sa jolie poupée jugée trop inquisitrice.

    Pour son troisième album, Bastien Lallemant a choisi d'avoir la gâchette facile. En jouant les chanteurs de polar dans une enfilade de petits contes cruels où le poids des mots ainsi que les sévices infligés à ses personnages sont toutefois souvent contrebalancé par de légères lignes de fuites mélodiques. Même si, quand la jeune fille précitée s'égare dans les sous-bois sur « Les Fougères », l'ambiance musicale évoque le mystère, elle ne plombe pas pour autant l'atmosphère. Dans l'ensemble de ses douze chansons-nouvelles truffées de destins furtifs, Lallemant figure plutôt que de surligner son propos.

    Avec ce sublime Verger, l'ex-pensionnaire et perle du label français Tôt ou Tard -hélas éjecté faute de rentabilité - brise cinq ans de silence de la plus élégante des manières. Timbre et diction évoquant toujours ça et là de manière troublante le Gainsbourg perfide (« L'empoisonneuse » ou «Une vie de chien »), Lallemant surpasse ici les exercices de style attractifs qu'étaient Les Erotiques (2005) et Les Premiers Instants (2003). Le goût des fruits défendus à cédé sa place à une fibre sciemment vénéneuse qui s'en révèle que plus délicieuse.

  • Episode III: Barbara Carlotti

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangé sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies

     

    CarlottiLideal.jpgBarbara Carlotti, L'Idéal (4AD, 2008)

    Croisée entre autres sur Imbécile, le projet de théâtre pop chanté d'Olivier Libaux (membre de Nouvelle Vague) aux côtés de Katerine, JP Nataf et Helena, ainsi que chez Michel Delpech et sur La Perdue du raffiné Bertrand Belin, la voix perfide, suave ou caressante de Barbara Carlotti se goûte encore davantage dans son répertoire propre. Après Les Lys brisés (2006), premier véritable enregistrement (succédant au mini-album autoproduit Chansons en 2005) truffé de pleins et déliés mélodiques sixties où elle vagabondait notamment dans les parages et sur les ravages de l'amour absolu, la Française au parfum d'intemporalité publiait L'Idéal.

    Une petite perle singulière, qui corrobore toutes les promesses dévoilées par une chanteuse dont le talent d'écriture et d'interprétation s'est solidement affiné. En sus d'une élégance naturelle, d'une classe de conteuse, Barbara Carlotti affiche pourtant cette fois des dispositions plus lointaines de Nico, Marianne Faithfull ou Joni Mitchell avec qui la critique a aimé à la comparer à son entrée en scène.

    Musicalement, les influences folk-pop, jazz et classique intimistes, les tonalités grises que charriait principalement Les Lys brisés ont fait place nette à un arc-en-ciel de couleurs. En cela, L'Idéal apparaît comme un disque primesautier – mais très consistant, dont les atmosphères s'ouvrent à des horizons moins maussades et où les mélodies rafraîchissent durablement. Un spectre solaire qu'appuient certaines chansons qu'on pourrait aisément emporter à la plage ("Ici", "Le chant des sirènes", "Pour la nature") et des orchestrations luxuriantes où cuivres, cordes résonnent. Tandis qu'un charleston à l'allure folle est capable de vous extorquer sur-le-champ des sifflements insouciants ("Kisses") et que des "Femmes en zibeline" vous propulse soudain dans une faille spatio-temporelle, instillant un chic à la fois nostalgique et moderne avec un zeste de balkanité incongru.

    Ailleurs, Barbara Carlotti n'a pas tout à fait évacué la retenue, le minimalisme qui habillaient les états d'âme des Lys brisés, contrebalançant habilement les airs enjoués par des charmes alanguis, des délices susurrés-surannés ("Bête farouche", "Vous dansiez" ou "La lettre" avec le concours vocal spectral du Canadien Patrick Watson). Sans verser dans l'exubérance béate, celle qui a également fait ses armes dans le chant lyrique injecte souvent des atmosphères aux rythmiques psychédéliques. Revenant, grâce aux sublimes arrangements de Jean-Philippe Verdin (alias Readymade), à l'âge d'or de la pop anglo-saxonne qu'elle adore. A la fois détachée et habitée, Carlotti a vraiment la grâce troublante, l'émotion juste et la politesse du désespoir des grandes voix.