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thiéfaine

  • «Malhabiles», l’adresse pop 
de Jérémie Kisling

    Dans un cinquième album aux mélancolies atténuées, le Romand installé 
à Paris insuffle 
de l’allégresse rythmique à ses doutes tenaces

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  • Episode XIX: Jérémie Kisling

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies


    KislingLeOurs.jpgJérémie Kisling, Le Ours (Note A Bene, 2005)

    Quand il monte à Paris, Jérémie Kisling opte pour l'aller-retour. Choyé chez lui, dépaysant pour les amoureux de la chanson française, son art leste doit beaucoup à ce plan de carrière calqué sur les circulations du TGV-Ligne de cœur. Le moins romand des chanteurs helvètes, l'ex-Monsieur Obsolète enjambe les frontières comme il défie les ans. En transit entre l'enfance et l'âge adulte, son écriture asexuée en ferait le barde idéal des classes enfantines. N'était cette maîtrise insolente dans l'art de dégourdir ses fables, de vriller la syntaxe et de courber la mélodie pour qu'elle s'insinue, souveraine, dans le creux des oreilles les plus blasées.

    Célébré urbi et orbi sur la foi d'un premier disque autoproduit aux charmes primesautiers en 2002, Jérémie Kisling hausse le ton sur Le Ours. Un deuxième album à la pop limpide et fiévreuse, consacrant l'écriture ludique d'un jeune homme au romantisme réaffirmé. Et à l'écriture (r)affinée: "Le premier disque ressemblait plus à de la poésie abstraite, mais était pudique et intimiste. Pour Le Ours, je voulais traiter de sujets qui me touchaient plus directement avec le risque de paraître naïf. J'ai eu plus de difficultés paradoxalement à écrire des textes naïfs, parlant de chiens d'aveugle ou de singes dans un zoo, parce que les sujets me touchaient énormément".

    "Le Ours: un disque au poil", s'est même amusé à proposer en guise de titre Jérémie Kisling à l'intention des médias qui y succomberaient. La formule est jolie mais réductrice. S'il ne propose par encore un bestiaire aussi fourni que Thomas Fersen, le second album du chanteur au timbre séducteur y va de sa galerie animalière. Au générique de son fablier pop, on croise ainsi une baleine d'eau douce et un nounours, une hirondelle, un toutou bienveillant et un babouin.

    Fables enchantées, contes tendres, sensibles et d'une naïveté délicieuse que s'est autorisée son âme de grand enfant par le biais de "Je guide tes pas", "Le Ours", "Teddy Bear" très voulzien et "Horizon grillé". Ailleurs, ce sont surtout les rapports humains qui l'inspirent. Affaires de cœur, de séduction, de désillusions passagères souvent désamorcées par un humour et des formules décalées où surgissent soudain "l'indolent Delerm" et le "vieux Souchon". A l'exception des sirupeuses «Etoiles», plus dignes de la Star Academy que de Kisling, Le Ours est truffé de morceaux de premier choix.

    Pour lesquels celui qui vient de signer une composition rock pour l'album de Thiéfaine (Scandale mélancolique) a choisi un écrin pop d'une élégance raffinée. Des sonorités amples et chaleureuses, avec chœurs, piano, sifflements, cordes, trompette et parfums rétro, qui charrient d'authentiques trésors mélodiques: "J'suis plus jaloux (je m'en fous)" et "T'es têtue toi" notamment. Kisling a aussi offert une partition à Grégory Wicky (Chewy, Pendleton) – son "musicien suisse préféré, idole d'adolescence qui m'a donné envie de monter sur scène" – pour un "Rendez-vous" galant d'une courtoisie exemplaire. Le Ours, la griffe d'un jeune homme de cœur assurément.

  • Episode VII: Elista

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies

     

    ElistaFoliedouce.jpgElista, La Folie douce (Jive, 2006)

    La Folie douce. Un titre qui correspond bien aux humeurs d'Elista. Au cours de ce deuxième album de haute tenue, le groupe français réactive ses alliances fatales entre retenue et turbulence, entrevues sur son premier album éponyme (2003). Autant d'atouts de chansons aux apparences trompeuses, faussement hospitalières, baignant dans un pop-rock âpre. Ce mariage d'irraison avait culminé dans certains des premiers titres d'Elista, merveilles de crises d'épilepsie, comme "Rendors-toi" et "Tu es légère".

    Davantage qu'hier encore, Elista se montre frontal à l'entame de ses compositions aux mélodies fines. Mais dérive vite vers des climats aériens, insufflant avec aisance des respirations dans les climats orageux – parfois proches du post-rock – de sa Folie douce. Entre délicatesses pop, tensions rock et joliesse mélodique, la jeune formation de Seine-et-Marne réaffirme l'étendue de sa maturité de composition et la même insolence de ton.

    Elista, aussi vaillant qu'à fleur de peau dans son écriture et autant aérien que léger dans ses compositions, signe ainsi une des belles alchimies entre langue française et grammaire du rock anglo-américain. Sous une apparente incohérence où chaque titre semblait avoir été taillé pour devenir un potentiel single-tube, le répertoire d'Elista tire sa substance de son économie d'effets de manche. Pas de guitares de trop, d'artifices électroniques qui soient inutiles ou fébriles; une écriture à la fois sobre, nerveuse et raffinée, une voix agréablement posée sur des chansons à l'efficace brièveté.

    Derrière l'allégresse, l'urgence. Au-delà d'histoires funestes, le paradis terrestre malgré tout. La Folie douce balance ainsi, entre introspections cathartiques et lueurs d'espoir. Le noir-blanc d'un destin dérisoire, le mystère où les zones d'ombre charrient davantage de nuances que le volontarisme coloré. Mais quand Elista restitue l'enfer des "Hommes ordinaires", les regards hagards, il ne juge pas. Préférant confesser à demi-mot sa peur des lendemains, douter du courage de chacun, que de dénoncer les petites trahisons. Elista interroge: "Mon manque de témérité/Me voue-t-il à te mériter" ("Lâcheté"). L'amour? L'amitié? La vie? En mariant à merveille profondeur et vitesse, asphyxie et éclaircie, mots d'auteur et maux d'époque dans un souffle précipité et électrifié, Elista touche en plein cœur. Avec, en prime, au fil de ses chroniques obsédées par la fuite du temps et le sens de la vie, un beau voile de mystère.