Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vian

  • Episode XVI: Berry

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies

     

     

    BerryMademoiselle.jpgBerry, Mademoiselle (Mercury, 2008)

    Berry dévoile des mots aux fêlures touchantes. Et paraît aussi fragile que les chansons de son Mademoiselle, galop d’essai discographique sensible et délicat. Vêtu de peu (avec une dominante de cordes soyeuses), la frêle demoiselle égrène son indolente poésie des sentiments amoureux. Avec pudeur et sens des métaphores, Berry habite ses fragilités de cœur avec quelques détours par le blues et le jazz sur ses (dé)routes folk-pop.

    Rien de révolutionnaire certes, mais le style sans manière est d’une folle et surannée élégance. Comme un écho aux débuts vaporeux et plein de spleen de Keren Ann ou Coralie Clément ou à une plus lointaine Françoise Hardy. Pourtant, côté francophone, la jeune femme originaire de Poitiers préfère citer Barbara, Brassens et, surtout, Gainsbourg, "son absolue passion". Gainsbourg s’enflamme-t-elle, "il ne se passe pas une semaine où je ne l’écoute pas! Il a été à l’adolescence le lien entre tout ce que j’avais écouté. Barbara, Brassens, les Stones, les Beatles, Joni Mitchell, Marianne Faithfull. Et qui surtout n’appartenait pas à mes parents. Il faisait un pont entre mes influences anglo-saxonne et francophone, tout en étant subversif; parfait pour l’adolescence. C’est un ami qui n’a cessé depuis de m’accompagner. Il s’est personnifié. Et comme je suis de nature plutôt fidèle et très obsessionnelle, voire monomaniaque, je l’écoute systématiquement. Je le chante même avant de monter sur scène avec mes musiciens".

    Fil conducteur d’une vie qui est passée par le théâtre avant d’embrasser quelque peu par hasard la chanson, Gainsbourg s’entend ou se devine d’ailleurs en toile de fond de Mademoiselle. De façon flagrante musicalement comme dans "Chéri", premier des deux poèmes de Verlaine extrait du recueil Chansons pour elle et autres poèmes érotiques que Berry a adapté. Et plus incidemment textuellement sur "Enfant de salaud", où parmi des insultes plus abominables qu’elle profère d’une voix douce, Berry évoque "un vieux scélérat".

    La poésie, Berry l’a en tout cas dans la peau. Griffonnant des textes sur des bouts de papier depuis l’enfance, ayant dévoré et usé Cantilène en gelée, recueil de Boris Vian daté 1949. Elle nourrit une véritable fascination pour la poésie. Apollinaire et Verlaine, dont elle a adapté littéralement les poèmes les moins "pornos" de Chansons pour elle, figurent aussi dans son panthéon.

    Si une jolie formule telle "Un Smith & Wesson qui colle à la tête comme un homme" ("Mademoiselle") aurait pu être écrite par Gainsbourg, Berry impose heureusement son propre sceau sur ses maux de l’âme qui sont à mille lieues de toute description du quotidien. Un spleen plein de charme innerve ses douze premières chansons très intimes paradoxalement portées par un tube intitulé "Le bonheur".

  • Episode XIII: Daphné

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies

     

     

    DaphnéCarmin.jpgDaphné, Carmin (V2, 2007)

    Daphné avait déjà livré le splendide L'Emeraude au printemps 2005. Recueil de contes d'une chanteuse aux idées poétiques et au timbre sensuel, L'Emeraude se parait de luxuriantes orchestrations. En empruntant autant au classique qu'à la pop, au swing qu'aux raffinements de l'électronique, elle créait des climats oscillant entre démesure et recueillement, éther et terre. Une ambiance enchanteresse que Daphné a réactivé tout au long de Carmin, deuxième jet plein de sève et de chair qui décline le rouge sur tous les tons. Lyriques, romantiques, oniriques et parfois désespérées, les chansons vives de Carmin évoquent intensément la passion amoureuse, le vague à l'âme au féminin, la mort autant que son antichambre. Une vie qui dans l'esprit de Daphné se doit d'être des plus bouillonnantes et organiques pour valoir la peine d'être vécue: «Mourir d'un œil» exhume comme un clin d'œil le «Je voudrais pas crever» de Boris Vian avant que la chanson ne file au final dans une autre et surprenante direction.

    Arborant comme Camille un répertoire insolemment libre tant dans les formes et textures sonores qu'au regard des textes songeurs, Carmin ne table sur aucun faux-semblant. La voix de Daphné, qui a des airs de Camille, voire Beth Gibbons de Portishead parfois, est aussi capable de toutes les transfigurations sur fond de cordes, chœurs, de piano et percussions au lyrisme subtil. Dans les aigus comme dans les graves, son chant vise l'ensorcellement. Dans «Big Daddy Boy», chanson à part de Carmin en «mémoire du peuple indien massacré et exilé de ses terres», sa voix vous conduit vers d'insoupçonnés ailleurs.

    Aussi ardente que flamboyante du haut de ses 31 ans, Daphné sait aussi évoluer dans des climats plus feutrés et proches d'un certain classicisme de la chanson. C'est le cas de «L'Homme piano», dont tant le titre que l'écriture et la mise en musique rappellent irrémédiablement l'auteure de «La Femme piano», Barbara. Une filiation revendiquée à demi-mot mais qui lui sied à merveille, tant l'écriture organique de Daphné y renvoie en lui greffant des bandes sons proches de celles activées par Kate Bush ou Björk.