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Les chansons du mois - Page 10

  • Mai 2010

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...


    LallemantVerger.jpgBastien Lallemant, Le Verger (Acousti Studios)

    Un disque exquis où rôdent pourtant les cadavres en pagaille. Première ombre à ce tableau noir que Bastien Lallemant a dénommé Le Verger, une femme qui gît sur le sable fin et « que les vagues découvrent puis recouvrent sans fin ». Suit une jeune fille pas vraiment en fleur se perdant au fond des bois, sur les traces de son assassin. Avant qu'un cow boy à bout de nerf ne finisse par dézinguer sa jolie poupée jugée trop inquisitrice.

    Pour son troisième album, Bastien Lallemant a choisi d'avoir la gâchette facile. En jouant les chanteurs de polar dans une enfilade de petits contes cruels où le poids des mots ainsi que les sévices infligés à ses personnages sont toutefois souvent contrebalancé par de légères lignes de fuites mélodiques. Même si, quand la jeune fille précitée s'égare dans les sous-bois sur « Les Fougères », l'ambiance musicale évoque le mystère, elle ne plombe pas pour autant l'atmosphère. Dans l'ensemble de ses douze chansons-nouvelles truffées de destins furtifs, Lallemant figure plutôt que de surligner son propos.

    Avec ce sublime Verger, l'ex-pensionnaire et perle du label français Tôt ou Tard -hélas éjecté faute de rentabilité - brise cinq ans de silence de la plus élégante des manières. Timbre et diction évoquant toujours ça et là de manière troublante le Gainsbourg perfide (« L'empoisonneuse » ou «Une vie de chien »), Lallemant surpasse ici les exercices de style attractifs qu'étaient Les Erotiques (2005) et Les Premiers Instants (2003). Le goût des fruits défendus à cédé sa place à une fibre sciemment vénéneuse qui s'en révèle que plus délicieuse.

  • Février 2010

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...


     

    TétéPremierClairAube.jpgTété, Le Premier Clair de l’aube (Jive-Epic)

    Le ménestrel folk est de retour avec Le premier clair de l'aube. Tété dit avoir écouté beaucoup de blues pour le nourrir. Tant du delta mississippien que de ses vastes affluents américains. De Muddy Waters à Screamin'Jay Hawkins via Sonny Boy Williamson ou Robert Johnson. Il est allé y puiser énergie et vélocité. Ce quatrième album en quête de fraîcheur, de ­lâcher-prise, le chanteur français d’origine sénégalaise est, pour bien faire, parti l'enregistrer à Portland, Oregon.

    Ce périple états-unien, pétri d’une écriture à la fois plus lettrée et déliée qu’auparavant tout en restant très elliptique, Tété l’a imaginé au cours d’une précédente tournée passée par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Australie. Ainsi que d’une émission TV musicale de France 5 qui lui permit de sillonner La Nouvelle-Orléans, New York, San Francisco et Miami. Chemin faisant, il a même croisé des Helvètes...encore plus toqués de blues: les Hell's Kitchen.

    Tété est parvenu ici à s’inscrire dans une tradition, à en maîtriser sa grammaire rythmique, sans toutefois renier ses amours pour les sonorités et fluidités pop. Après avoir traité il y a près de quatre ans sous des airs guillerets – façon ménestrel moderne –, d’identité, de racisme, d’exil, de paupérisme, de crise des valeurs au fil de l’allégorique Sacre des lemmings (et autres contes de la lisière), Tété ne se montre pas conceptuel aujourd’hui. Brut et relativement dépouillé, Le Premier Clair de l’aube a préféré l’urgence à la luxuriance. Peu de fioritures orchestrales et de contre-chants ici. La densité des textes antérieurs a aussi fait place à la brièveté, par l’entremise de couplets-refrains élagués aux formes souvent poétiquement précieuses ("Et quand certains jours/De dépit tu te languis"). Un suc littéraire loin d’être inédit dans son répertoire puisque ses lectures de romans et poésies anciens (du XIXe et plus loin) lui ont notamment permis de circonscrire ses idées le long d'A la faveur de l'automne (2003) et L’Air de rien (2001).

    Si le vorace lecteur se considère pourtant encore comme "un auteur laborieux", il avoue que ça va mieux. Et que si les mélodies lui viennent toujours plus facilement, la poésie a jailli plus naturellement que de coutume. De belles images affleurent il est vrai çà et là: comme "Dans la plaie de tes yeux/On devine le venin/Dans le pli de tes nœuds/Un bien curieux parfum" dans "L’envie et le dédain" ou "Fut-ce le temps d’un clin d’âme, d’un refrain/Gagner vos faveurs, vous sertir le cœur" au cœur d’"Ad Libitum". Elles figurent au coeur des treize missives blues-folk de ce Premier clair de l'aube, datées et situées géographiquement, formant au final un recueil de lettres aux agréables préciosités poétiques.

    (L'article dont est principalement extrait ce texte est consultable sur le site du Quotidien suisse "Le Temps")

     

  • Janvier 2010

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

     

     

    Fleurent-Didier.jpgArnaud Fleurent-Didier, La Reproduction (Columbia, 2010)

    Près de six ans après le détonnant Portrait du jeune homme en artiste, Arnaud Fleurent-Didier revient à la chanson avec cette ambitieux La Reproduction. Une symphonie pop aux élans toujours passionnels et aux sonorités très seventies en forme de confessions chantées. Après avoir thématisé autour des affres du créateur, le Parisien s'interroge cette fois sur l'atavisme, l'héritage culturel, la mémoire collective, l'amour, le sexe et quelques futilités modernes. Avec une ironie constante et parfois une mordante froideur, Arnaud-Fleurent-Didier réussit un disque aussi atypique que lyrique. Où transpire peut-être les doutes de sa génération de trentenaire.

    La Reproduction possède un souffle, une luxuriance orchestrale, une finesse dans les arrangements et une richesse mélodique rarement croisées au sein de la production francophone actuelle. Et dont le spectre esthétique embrasse autant les BO de Michel Legrand, François de Roubaix ou Francis Lai que les élans pianistiques d'un Polnareff. Reste que l'esthétique pop de Fleurent-Didier le rapproche davantage du romantisme d'un Katerine d'avant Robots après tout, d'un Florent Marchet ou d'un Julien Ribot malgré quelques traits eighties d'un goût douteux.

    Dans le sillage du gainsbourien "France Culture", ouverture passant en revue l'héritage de 68, le chanteur enchaîne sur les délices amoureux. Puis toute La Reproduction d'alterner une sorte de froid politisé (l'engagement, la révolte) et de chaud émotionnel (sentiment aimant, filiations). Avant de conclure sur le touchant "Si on se dit pas tout" sur sa relation avec son père. Du grand oeuvre avec l'air de ne pas y toucher.