Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...
Détroit, Horizons (Barclay/Universal Music)
Noir Désir réduit en cendres et son ex-chanteur Bertrand Cantat voué à perpétuité à la conditionnelle artistique. De la controverse autour de son droit à rehausser la voix depuis sa condamnation pour l'homicide en 2003 de sa compagne, l'actrice Marie Trintignant, il faut donc faire abstraction. Pour se focaliser sur l'unique substance résiduelle, à savoir ce premier album de Détroit, nouveau projet de Cantat et du musicien Pascal Humbert (Passion Fodder ou 16 Horsepower) dans le sillage de leur collaboration pour la bande son de la pièce de Wajdi Mouawad autour de Sophocle (Choeurs, 2011).
Le biennommé Horizons esquisse treize lignes de fuite entre rock et blues sinueux, où orage et rage menacent sans cesse sur fond d'échos autobiographiques. D'indolences en fulgurances, les chansons de Détroit serpentent au rythme d'une âme purgeant sa peine. Litanie de plaies béantes, chants d'abyssales tristesses. A l'image des frissons du fantôme sentimental (poignants « Ange de désolation », « Ma muse » et « Glimmer in your Eyes »), de cet « Horizon » un temps plombé « entre les cloisons » où « le rythme carcéral passe par les tuyauteries », des intermèdes crissants et anxiogènes (« Détroit 1 et 2») qui participent d'un répertoire aux allures d'électrocardiogramme instable. Un inconfort culminant dans les oscillations ténébreuses de l'épilogue instrumental « Sonic 5 ».
Détroit avance à coup de décharges électriques avant de reculer par un rythme hypnotique ou quelques accords de guitare lumineux. Tensions, suspensions. Damnation et infimes lueurs de rédemption. L'air est chargé sans être vicié. La pesanteur ne s'oxygène qu'au détour de titres plus délayés et moins relevés (« Droit dans le soleil », « Le creux de ta main » aux airs de « Tostaky », « Null and Void ») ou, paradoxalement, de la relecture peu hantée d'«Avec le temps » malgré son poids hautement symbolique. Comme si l'intimisme suffoquant des mots à maux n'autorisait finalement que peu de perspectives enchanteresses.

Après un ravalement de façade de son répertoire volontiers surréaliste, baroque, fantaisiste, libertin, grossier ou vindicatif, opéré principalement en duo (L’un n’empêche pas l’autre, 2011), Brigitte Fontaine revient avec un album original à l’intitulé égocentrique trompeur. J’ai l’honneur d’être étant plutôt un bouquet de chansons truffé d’épines.
Stromae, Racine carrée (Mercury)
Il a vu triple et en noir et blanc. Pour son cinquième essai, le Français Mendelson a imaginé une oeuvre anxiogène aux titres fleuves (jusqu'au jet de 54 minutes de « Les heures », chanson-titre en forme de trou noir du deuxième opus !). Un triptyque discographique époustouflant tout en tensions et dissonances rock, où l'expérimentation ne se révèle jamais impénétrable grâce à un savant dosage de mélodies pop.