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jazz

  • Mars 2013 (I)

     

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...


    BabX, Drones personnelsBabX, Drones personnels (Wagram Music/Cinq 7)

    En 2006, dans un premier album épicurien et enchanteur, BabX télescopait savamment son melting-pot d’influences: Ferré, Coltrane, Nougaro, NTM, musiques du monde et BO de films. Trois ans après, on devinait à nouveau ces penchants dans un Cristal Ballroom à la fois fiévreux et mystérieux, et d’une impressionnante richesse instrumentale. Ses dons d’atmosphériste délétère y opéraient à merveille, façon fin de siècle ou plutôt d'empire. Tandis que ses culbutes littéraires, ses entrechocs de sons et de sens étaient chéris au fil d’un ballet de chansons voltigeuses ou juste intimistes sous la seule influence d'un piano.

    Aujourd'hui chez BabX, mots et musique continuent d'élégamment déboussoler dans des optiques plus pop. Mais le chanteur français a choisi d'injecter dans Drones personnels une dimension rétro-futuriste poétique et mécanique. Un imaginaire où se côtoieraient à la fois Jules Vernes et Georges Méliès ; même si BabX ressuscite Jonathan Swift (« Dans mon Gulliver »). Les hommes et les machines, l'émotion et la froideur, le rêve et la réalité, l'ombre et la lumière, la raison et la folie, l'amour et ses tourments entre piano électro-mécanique (chamberlin) et synthés, boîtes à rythmes et machines, acoustique et électronique. Ce troisième album joue sur ces dualités tout en mettant la voix chaleureuse de BabX au centre des ébats musicaux. Les partitions sont ici volontiers brumeuses, synthétiques, parasitées, éthérées ou machiniques ; une dernière optique renforcée parfois par des répétitions lexicales ou des mots martelés (« Despote paranoïa »).

    Au sein de cet univers étrangement enchanteur, le collaborateur de Camélia Jordana ou L dévoile ses parts d'ombre, sublime ou entérine les femmes, évoque le manque ou l'absence. « Suzanne aux yeux noirs » réveille sa chère défunte grand-mère quand « Tchador Woman » parle de Manal Al Sharif, icône de la révolte féminine en Arabie Saoudite et « Naomie aime » tacle gentiment la top model starisée avide de diamants. Un large spectre de femmes qu'incarne aussi à sa manière fatale une Camelia Jordana venue faire écho au fiel d'un amoureux éconduit sur « Je ne t'ai jamais aimé » (« Et s'il arriva que je fus fou de toi/Ton souvenir n'est plus qu'un souvenir de plus »). Passion et manque s'entremêlent au fil de « 2012 », le gainsbourien « Les Noyés » ou « Helsinki » dans des courses-poursuite aux airs chimériques. Comme si finalement d'ailleurs Drones personnels n'était que recherche du temps perdu.


    Babx feat. Camelia Jordana en Deezer Session... par deezer

     

  • Février 2011

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    daphne-bleu-venise.jpgDaphné, Bleu Venise (V2)

    La chanteuse revient avec «Bleu Venise», troisième album romancé captivant d’onirisme.

    De l’azur sur Venise. Des couleurs musicales à embellir l’hiver. Pour sa troisième escapade discographique qui cligne encore de l’œil vers le nuancier des palettes picturales et du côté des coloristes de la musique classique, Daphné choisit aussi un décor fantasmagorique. Non pour y mourir mais y renaître: à la chanson, à la mélancolie, à la volupté ou à la légèreté. Aux affres aussi bien qu’aux renaissances qu’offre le film de nos vies modestes.

    Bleu Venise, c’est surtout les vertiges d’une Daphné qui filtre la valse des sentiments en chansons. Sa Venise se voit ainsi sous la neige pour accueillir un dernier tango et s’aimer passionnément. ­Daphné a quelque chose d’une fée, métamorphosant ses envies et lubies en un tour de main enchanté. Avec la romance et l’onirisme en guise de compagnons de route et déroute, elle trouve encore une voie sublime.

    Il y a six ans déjà, L’Emeraude (2005) avait révélé son timbre sensuel à travers un recueil de contes aux idées finement poétisées et aux orchestrations luxuriantes. Les partitions y empruntaient autant au classique qu’à la pop, au swing qu’aux raffinements de l’électronique. Et la chanteuse créait des climats oscillant entre démesure et recueillement, éther et terre. Une ambiance enchanteresse que ­Daphné a réactivée tout au long de Carmin (2008), deuxième jet plein de sève et de chair déclinant le rouge sur tous les tons. Lyriques, romantiques, oniriques et parfois désespérées, les chansons vives de Carmin évoquaient intensément la passion amoureuse, le vague à l’âme au féminin, la mort autant que son antichambre. Une existence qui, dans l’esprit de Daphné, se devait alors d’être des plus bouillonnantes et organiques pour valoir la peine d’être vécue. «Mourir d’un œil» y exhumait comme un clin d’œil le «Je voudrais pas crever» de Boris Vian.

    Au fil de Bleu Venise aujourd’hui, elle ne veut surtout plus dormir seule. Et son répertoire de se consumer de désir. Ou de mal d’amour parfois, à l’image du magnifique «Portrait d’un vertige» où les nuits qu’on se rêve et se fabrique sont plus du tout belles à hanter Daphné. Toujours aussi ardente et flamboyante du haut de ses 34 ans, cette Daphné qui a obtenu le Prix Constantin 2007 sait ainsi aussi évoluer dans des climats plus feutrés. Comme dans «Chanson d’orange et de désir» ou «Hors temps» qui rappellent «L’homme piano» (sur Carmin) et les filiations de Daphné avec Barbara. Même si à présent Daphné préfère greffer à sa plume onirique des bandes-sons proches de celles activées par Björk ou Beth Gibbons de Portishead («Even Orphans Have a Kingdom» et «The Death of Santa Claus») ou une fraîcheur pop («L’homme à la peau musicale»). Insolemment libre et romancé, Bleu Venise ensorcelle encore grâce à des cordes soyeuses ou menaçantes.

  • Episode X: BabX

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voie


    babx.jpgBabX, BabX (On Music, 2006)

    Aussi gourmand de mots que de sonorités. David Babin, alias BabX, réussi une prodigieuse alchimie entre les différentes sources d'influence qu'il revendique. Son premier album est étonnant de sensualité, de spleen, d'engagement, d'intelligence d'écriture qui appelle à son bord tout à la fois Léo Ferré, Nougaro, le rap de NTM, Barbara, le jazz de John Coltrane, la musique classique, les musiques du monde et le music-hall. Sans omettre les bandes originales de films. Autant de repères inspirateurs que ce jeune homme alors âgé de 25 ans, admirateur aussi de Rimbaud, Artaud, Aragon et Kerouac, a dissimulés dans des chansons savamment épicuriennes.

    De sa maman pianiste (qui lui a inspiré les images nostalgiques des couplets-hommages de "Sous le piano de ma mère"), par ailleurs professeur de chant et ethnomusicologue, et de son père psychanalyste et écrivain, BabX a sans doute hérité cette faculté de savoir habilement marier le sens et les sons, les climats et les décors. Avec un côté voltigeur et une intensité qui lui est propre. S'il a bénéficié d'une formation musicale classique (piano), son approche n'a jamais été classique pour autant. Et il a d'ailleurs très vite migré vers le jazz et les musiques improvisées.

    Culbuter les mots, télescoper et triturer la matière sonore, insuffler des digressions dans les partitions, BabX sait admirablement le faire. Qu'il scande ou chante, bâtisse une chanson sur les allitérations ("Crack Maniac") ou le spleen amoureux, BabX excelle autant dans l'exercice de style que dans une écriture parfois moins imagée. Le répertoire de cet interprète qui se rêvait à l'origine plutôt comédien fonctionne surtout par des mises en scène de thématiques. Au fil d'un disque où interviennent une trentaine de musiciens, il évoque l'aliénation esthétique du corps ("Silicon Baby"), les clandestins de nos boat people contemporains ("Bains de minuit"), la désillusion d'une lofteuse en quête de célébrité instantanée ("Lettera"). Et y planque encore quelques sujets plus graves, traités de façon sibylline, comme la pédophilie ("Secret professionnel") ou la folie du sacrifice humain ("Kamikase").

    La force des chansons de BabX, c'est qu'elles possèdent toujours de redoutables atmosphères. Où tous les éléments s'imbriquent comme dans un château de cartes. Chaque instrument décline une sentiment. BabX a hérité de la «sensorialité» de la langue de Ferré et Nougaro, «de ces langages qui claquent tels des chorus de Parker». Un Moderne aux penchants classiques en somme.