L'emblématique groupe de hip-hop marseillais publie son huitième album studio en près de trente ans, tout en célébrant les vingt ans de «L'Ecole du micro d'argent». Rencontre.
(photo: Def Jam/Didier Deroin)
rap
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IAM fait sa «Rêvolution» de velours
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IAM mord toujours
Porte-drapeau historique du hip-hop français avec NTM, IAM a célébré en 2013 vingt-cinq ans de carrière avec un sixième album dénommé Arts Martiens, une édition collector du mythique L'Ecole du micro d'argent (1997) ainsi que d'un deuxième enregistrement studio sobrement baptisé ...IAM. Les Marseillais posent à nouveau un regard aiguisé sur les soubresauts de leur époque et y déversent leur prose combattive. Akhenaton, Shurik’n, Kheops, Imhotep et Kephren se montrent ici impériaux en renouant avec les fondamentaux de titres à la fois percutants et coulants à la production pyramidale impressionnante. Entretien avec Imhotep, architecte sonore du groupe à la veille d'une nouvelle tournée explosive.
Deux albums originaux en l'espace de six mois, deux tournées successives, IAM n'a jamais été si prolifique ?
Imhotep: C'est vrai que cette période 2013-2014 est très riche et agréablement chargée pour nous. C'est dû à une successions de hasards favorables. Durant les sessions d'enregistrement d'Arts Martiens, nous avons été particulièrement créatifs et attrapés quantité d'idées en vol pour, au final, se retrouver avec une quarantaine de morceaux de bonne facture. Une vingtaine ont été gardé pour l'album et l'autre moitié mise au placard avec frustration. Mais le succès d'Arts martiens, qui a mis notre label Def Jam de très bonne humeur, a permis la sortie des titres mis de côté sur ce récent septième album, ...IAM. Mais rien n'était prévu.
Le succès commercial d'Arts martiens était-il inespéré ?
Nous l'appelions évidemment de tous nos voeux mais vendre plus de 100'000 exemplaires en six mois est un exploit pour un groupe de hip-hop français dans le contexte de l'effondrement du marché du disque. On se réjouit de la fidélité de notre public et aussi des nouvelles générations qui ont été séduites par IAM, comme on a pu le constater lors de notre dernière tournée.
A quoi ressemblera d'ailleurs la nouvelle tournée ?
C'est une nouvelle formule basée sur les titres inédits du dernier album principalement, complété par un tiers de classiques d'IAM extraits surtout de L'école du micro d'argent et une partie des albums solo d'Akhenaton et Shurik'n. Comme nous tournons cette fois sans musiciens, un énorme travail de scénographie a été réalisé, avec un soin particulier apporté aux lumières et aux projections vidéos.
Ce n'est donc ni une tournée ni un disque d'adieux pour IAM comme on a pu le lire ça et là ?
Pas du tout, on bouillonne d'idées, d'envies, de projets qui englobent des domaines variés comme les musiques de film ou de spectacles de danse. Cette rumeur est née du fait que Def Jam a mis en avant que c'était nos deux derniers disques chez eux contractuellement ; une technique de promo à la Johnny Hallyday qui n'arrête pas de faire d'ultimes tournées !
Pour rebondir sur le cinéma, vous aviez un projet en collaboration avec Ennio Morricone qui a avorté. Pourquoi ?
Il est en suspens hélas mais nous gardons espoir. On avait eu un premier avis favorable de sa part d'un point de vue strictement musical. Notre maquette lui plaisait. Mais dès lors qu'il a fallu demandé les autorisations pour les samples utilisés aux producteurs des films dont ils étaient extraits, tout s'est compliqué et, surtout, a pris des proportions financières démentielles. Le marché de la musique et du cinéma mondialisés n'évoluent pas dans le même monde. Mais comme IAM tient à ce projet, on le réactivera je pense en essayant de trouver peut-être de meilleurs interlocuteurs.
Cet entretien est aussi paru dans un hors-série du quotidien suisse Le Matin consacré au Caprices Festival de Crans-Montana
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Episode X: BabX
Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangée sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voie
Aussi gourmand de mots que de sonorités. David Babin, alias BabX, réussi une prodigieuse alchimie entre les différentes sources d'influence qu'il revendique. Son premier album est étonnant de sensualité, de spleen, d'engagement, d'intelligence d'écriture qui appelle à son bord tout à la fois Léo Ferré, Nougaro, le rap de NTM, Barbara, le jazz de John Coltrane, la musique classique, les musiques du monde et le music-hall. Sans omettre les bandes originales de films. Autant de repères inspirateurs que ce jeune homme alors âgé de 25 ans, admirateur aussi de Rimbaud, Artaud, Aragon et Kerouac, a dissimulés dans des chansons savamment épicuriennes.
De sa maman pianiste (qui lui a inspiré les images nostalgiques des couplets-hommages de "Sous le piano de ma mère"), par ailleurs professeur de chant et ethnomusicologue, et de son père psychanalyste et écrivain, BabX a sans doute hérité cette faculté de savoir habilement marier le sens et les sons, les climats et les décors. Avec un côté voltigeur et une intensité qui lui est propre. S'il a bénéficié d'une formation musicale classique (piano), son approche n'a jamais été classique pour autant. Et il a d'ailleurs très vite migré vers le jazz et les musiques improvisées.
Culbuter les mots, télescoper et triturer la matière sonore, insuffler des digressions dans les partitions, BabX sait admirablement le faire. Qu'il scande ou chante, bâtisse une chanson sur les allitérations ("Crack Maniac") ou le spleen amoureux, BabX excelle autant dans l'exercice de style que dans une écriture parfois moins imagée. Le répertoire de cet interprète qui se rêvait à l'origine plutôt comédien fonctionne surtout par des mises en scène de thématiques. Au fil d'un disque où interviennent une trentaine de musiciens, il évoque l'aliénation esthétique du corps ("Silicon Baby"), les clandestins de nos boat people contemporains ("Bains de minuit"), la désillusion d'une lofteuse en quête de célébrité instantanée ("Lettera"). Et y planque encore quelques sujets plus graves, traités de façon sibylline, comme la pédophilie ("Secret professionnel") ou la folie du sacrifice humain ("Kamikase").
La force des chansons de BabX, c'est qu'elles possèdent toujours de redoutables atmosphères. Où tous les éléments s'imbriquent comme dans un château de cartes. Chaque instrument décline une sentiment. BabX a hérité de la «sensorialité» de la langue de Ferré et Nougaro, «de ces langages qui claquent tels des chorus de Parker». Un Moderne aux penchants classiques en somme.