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L'âme-son - Olivier Horner - Page 28

  • Episode II: Pierre Bondu

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangé sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies.

     

    pierrebonducd.JPGPierre Bondu, Quelqu'un quelque part (Le Village Vert, 2004)

    Cascades de clavecins, déluges de cordes, Pierre Bondu n'entrevoit que luxuriance dans son art orchestral de la chanson. Une emphase qui confère à Quelqu'un quelque part, deuxième album du Nantais, à la fois l'essence de ses charmes et l'étoffe de ses défauts musicaux. Au fil de chansons qui prennent volontiers des airs de symphonies de poche, Bondu révèle pourtant une écriture aussi intimiste qu'élégante et séduisante. S'il a choisi la voie d'une pop nimbée de finesses sonores qui finit parfois par agacer par excès de joliesse, les clairs-obscurs rétro et l'évidence mélodique émanant des morceaux de vie déclinés revêtent de solides atours.

    Armé d'un timbre de voix évoquant de manière troublante celui d'un Etienne Daho dans sa prime jeunesse, Bondu égrène ici le film de son existence. Entre solitude et ennui, paradis perdus et douces rêveries, frustration et chagrin, Quelqu'un quelque part fait figure de disque romanesque. Avec toute la désinvolture d'un dandy chic qui ne craint point de jouer sur ses fragilités pour mieux amadouer, l'auteur-compositeur et chanteur, qui a travaillé comme guitariste ou arrangeur dans l'ombre de Dominique A, Françoiz Breut, Katerine, Miossec ou Anna Karina, parvient même à se faire passer pour un orphelin éploré («Quitter la terre»). S'il s'affranchit en tout cas d'élégante manière de ses pères en chanson, Bondu laisse aussi entrevoir quelques belles dispositions pour des climats plus possédés («Du genre à tomber»). Un côté obscur qu'on aurait d'ailleurs souhaité le voir explorer avec plus de force. On attend toujours impatiemment la suite du collaborateur du délirant Robots après tout de Katerine, tant son univers nous avait mis l'eau à la bouche.

  • Episode I: Florent Marchet

    Au début des années 2000, dans le sillage des Biolay, Bénabar, Delerm and co est apparu une nouvelle génération d'auteur-compositeur-chanteur très vite rangé sous l’appellation médiatiquement contrôlée "nouvelle chanson française". Cette nouvelle vague vocale s’apprête en 2010 à célébrer ses dix ans d’existence. Retour dans le désordre sur les albums phares (une trentaine) des trentenaires talentueux qui à leur manière décompléxée ont repris le flambeau des Murat, Miossec, Dominique A ou Katerine des années 90 dont l’écriture leur avait ouvert d’autres voies.

     

    MarchetRioBaril.jpg Florent Marchet, Rio Baril (Barclay, 2007)

    Pour son premier album, Gargilesse, il avait emprunté le nom d'un village roman classé au patrimoine de France pour conter brillament la rupture que constitue "le passage de l'adolescence à l'âge adulte". Avec Rio Baril, c'est celui d'une lieu-dit de son Berry natal que Florent Marchet s'approprie. Mais cette fois, plutôt que de décrire en chansons avec un "je" appuyé la rupture que constitue le passage de l'adolescence à l'âge adulte en évoquant avec une hospitalière dérision les maux de l'anorexie ou du chômage, il a choisi de narrer une existence qui dérape tragiquement. Rio Baril s'apparente ainsi à un album-roman, une fiction chantée autour d'une bourgade morbide de province fantasmée.

    Magnifique d'intelligence, de charmes, d'harmonies, de mélancolies, de rebondissements, de désillusions, de décors, ce répertoire en quinze tableaux débute façon western de Sergio Leone sur un thème d'Ennio Morricone, avant de se poursuivre en épopée pop. Une prouesse au fil de laquelle on se voit happer par la prose parlée-chantée d'un Florent Marchet qui sillonne entre la lâcheté ordinaire des villageois, leur mal-être, leur isolement social, l'absurdité de leur existence confinée aussi.

    Inspiré de la marginalité que l'auteur a ressentie dans sa jeunesse rurale, de "la difficulté d'être celui qui ne joue pas au foot" et préfère les cours de piano par exemple, Rio Baril s'appuie aussi sur une incroyable luxuriance orchestrale: clavecins, orgue, cor ou cordes pour des touches baroques; une harmonie locale et un orchestre symphonique pour un goût de terroir et un parfum de mélancolie intemporelle.

  • Un top 10 - un brin en retard- de mes albums 2009

     

    DominiqueALaMusiqueJPG.jpgDominique A, La Musique.

    Pour les troubles atmosphériques.

     

     

     

     

     

     

    BiolayLaSuperbeJPG.jpgBenjamin Biolay, La Superbe.

    Pour les noirceurs sentimentales.

     

     

     

     

     

     

    NatafClairJPG.jpgJP Nataf, Clair.

    Pour l'effervescence des mélodies.

     

     

     

     

     

     

    julien_baer_le_la.jpgJulien Baer, Le La.

    Pour les écumes de spleen.

     

     

     

     

     

     

    WatsonWoodenArmsJPG.jpg

     

    Patrick Watson, Wooden Arms.

    Pour les rêveries pop sépia.

     

     

     

     

     

     

    LhasaLhasa.jpgLhasa, Lhasa.

    Pour les émois d'une voix toujours -et à jamais- divine.

     

     

     

     

     

     

     

    the xx.jpgThe XX, XX.

    Pour l'insidieuse langueur et mélancolie rock.

     

     

     

     

     

     

     

    CalahanBill.jpgBill Callahan, Sometimes I Wish we Were an Eagle.

    Pour le country-rock sublimé.

     

     

     

     

     

     

     

    Sonic Youth_The Eternal_CD.jpgSonic Youth, The Eternal.

    Pour le beau et haletant retour de flamme rock

     

     

     

     

     

     

     

    kings_of_convenience_declaration_of_dependence.jpgKings of Convenience, Declaration of Dependance.

    Pour la subtilité bossa-pop

  • Solo fatal

    Mano Solo, un chagrin lancinant

    Le chanteur aux noires colères s'est tu. D'une suite de ruptures d'anévrisme à l'aube du dimanche 10 janvier. Et c'est une rencontre au printemps 2007 qui remonte à la surface en même temps que la tristesse. C'était au temps d'un concert au Printemps de Bourges et du biennommé In The Garden, un neuvième album aux états d'âme moins plombés, où la légendaire rage au ventre de Mano Solo était atténuée par d'inédits élans de tendresse. Enregistrées dans son bout de jardin de la périphérie parisienne, «dans la détente et l'improvisation», ces douze chansons sensuelles osaient à nouveau les corps-à-corps amoureux, imaginent parfois un futur plus radieux. Autant de lueurs d'espoir que la séropositivité précoce de Mano Solo avaient peut-être fini par bâillonner.

    «Y'a pas que des histoires pourries/Que des histoires d'ennui/Y'a pas que des statues qui pleurent/Y'a pas que des erreurs pour toujours/Dans ma mémoire» ou «Si tu savais tous les bonheurs auxquels je voudrais laisser la place», chantait désormais le fils du dessinateur satirique Cabu, qui ne s'est pas encore résolu à l'optimisme béat, sans nuances. Au départ pourtant, l'ancien punk et peintre qui avait surgi dans le paysage chanson avec La Marmaille Nue en 1993, voulait réaliser un album «déglingué, baroque et dissonant à la Tom Waits. Mais l'imitation ne fonctionnait pas, la mélodie finissait toujours par nous rattraper». Un accordéon, un piano et une guitare dessinent les contours parfois tango d'une partition qui a évacué la batterie pour gagner en souplesse rythmique et légèreté mélodique. «Cela nous a apporté une liberté formelle folle. Même vocalement et textuellement, on a pu se recentrer autour d'une énergie pure. Sur scène, j'apprécie aussi cette fragilité, cet équilibrisme, qui me rappelle les happenings des concerts de mes débuts», détaillait Solo.

    Même les paroles d'In The Garden, l'homme en noir les a imaginées dans le même état d'esprit, de manière improvisée. «De toute façon, je n'écris plus à l'avance. Les textes me surprennent. Une ambiance, un souvenir me suffisent pour inspirer une histoire. La plupart du temps, je ne me souviens plus comment les chansons sont nées. Sauf à mes débuts solitaires à Toulouse, où j'écrivais entre deux tableaux que je peignais sur ma péniche.»

    C'était l'époque du choc littéraire avec Blaise Cendrars pour Mano Solo. «La Marmaille Nue», nom de son premier groupe, du premier album et de son label est en effet emprunté à un poème de l'écrivain suisse. «L'écriture de Cendrars a été un véritable déclencheur et m'a fait acheter une machine à écrire. Le franc-parler de Cendrars, sa liberté de narration m'ont ouvert les yeux, l'imaginaire et libéré l'écriture. Du coup, je me suis constitué une réserve de textes, un petit trésor de guerre. C'est d'ailleurs pour ça que mon deuxième album, Les Années sombres, comportait dix-sept chansons. Dès qu'une musique passait et qu'elle me faisait penser à un texte, il suffisait que je pioche dans le stock.»

    Rentrer au port s'intitule son ultime album paru l'automne dernier. Voilà qui est fait. Et nous de nous replonger dans l’univers des chagrins lancinants de Mano Solo. Avec encore plus d'émotion.