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chanson - Page 7

  • Mai 2012

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

     

    Uminski.jpgPhilippe Uminski, Mon Premier Amour (Columbia)

     

    Une résurrection. Pour ­Philippe Uminski, habitué aux beaux seconds rôles comme réalisateur ou arrangeur auprès de Julien Clerc, Cyril Mokaiesh, les Têtes Raides ou Johnny Hallyday, mais auteur de trois albums solo dispensables, Mon Premier Amour sonne un renouveau. Constitué de vertiges passionnels, de désillusions sentimentales, d’amertume passée et d’élans existentiels, ce disque enregistré sans filet avec grand orchestre et septet rock charrie un souffle sidérant. Relevé encore par une voix pleine de ferveur semblant jouer sa vie sur chaque chanson. Cette intensité balaie tout sur son passage.

    Entre rafales de vent et ­zéphyr, envolées lyriques et accalmies mélodiques, cordes, ­cuivres, percussions et claviers millésimés, Mon Premier Amour évoque par endroits l’âge d’or de la pop française des sixties (Legrand ou Polnareff). Alors qu’ailleurs ce sont les spectres de Nougaro et, surtout, de Brel qui surgissent par le biais d’inflexions vocales ou de registres musicaux (java, valse). Sans omettre quelques réminiscences aznavouriennes ça et là.

    Reste qu’Uminski, dont la culture musicale semble aussi nourrie que digérée et passe assurément par les Beatles et John Barry, a aussi une sublime corde textuelle à son arc. Le cru «Par les toits», le chagrin «Autant qu’il m’en souvienne» sur fond "james bondien", les lucides «Un temps» et «Le temps qu’il reste à vivre», l’éperdu «La vie continue» sont de palpitants moments forts. Des tourbillons de vie nuancés.

     

     

     

  • Un top 5 - très en retard - de mes albums 2011

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    Pour la mélancolie inouïe tirée des machines par la perle anglaise du dubstep.

     

     

     

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    Pour le lyrisme folk et le souffle ardent des panoramas sonores des Américains.

     

     

     

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    Timber Timbre, Creep on Creepin'on (Arts&Crafts)

    Pour les paysages folk-pop hantés et lumineux d'orfèvres canadiens.

     




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    Pour les chansons grisantes aux atmosphères de film noir-blanc de la Française.

     

     



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    Pour l'étourdissante finesse et précision de la mécanique electro-rock du Suisse romand.
  • Mai 2011

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

     

    RingerRingnRoll.jpgCatherine Ringer, Ring n'Roll (Six Sarl)

    Après avoir chanté esseulée les Rita Mitsouko, amputée de son défunt compagnon de route et de cœur Fred Chichin, Catherine Ringer opère sa véritable renaissance solo. Evidemment, l’ombre enfuie en 2007 de Chichin rôde ça et là sur ce Ring n’Roll. Ce sursaut n’a pourtant rien de larmoyant et débute d’ailleurs par un «Vive l’amour» pétillant dénué de tout volontarisme. Plutôt multicolore que doloriste dans ces ­registres esthétiques, l’album embrasse ainsi goulûment les visages du rock’n’roll – comme les Rita Mitsouko durant plus de vingt-cinq ans – avec même deux étapes en anglais dans le texte.

    Quelques ballades sans pathos ni romance, dont l’extraordinaire «Pardon», et quelques curiosités, comme ce «Got it Sweet» à l’esprit jazz-pop cabossé avec flûtes, claquements de mains et piano, ou ce «How Do You Tu» à la rythmique bringuebalante, complètent ce retour fringuant de Catherine Ringer.

    Malgré quelques titres dispensables car mal fagotés (les tics nirvanesques de «Quel est ton nom» par exemple, le cybernético-chaotique «Punk 103»), ce répertoire tient surtout et toujours grâce aux captivantes métamorphoses et modulations vocales de la chanteuse. A l’image de «Si un jour» et surtout le saisissant «Mahler» empruntant à la Symphonie No 5 , où elle plane aux confins de la ferveur et de la gravité sur des réminiscences sentimentales et charnelles. Entre joie et turbulence, tendresse et détresse, Ring n’Roll s’apparente en définitive à une belle remise en selle à défaut d’un retour en grâce.



  • Avril 2011

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    chanson, L, Raphaële Lannadère, Initiale, album, Premières lettres, BabX, Barbara, Billie Holiday, Coltrane, Nougaro, Château Rouge L, Initiale (Tôt ou Tard)

    Une lettre, L, pour une Initiale. Derrière la brièveté du pseudonyme et la simplicité du titre, une lame de fond. Le premier album de Raphaële Lannadère, Française de 30 ans au souffle ardent, recèle douze perles graciles et gracieuses. Des chansons grisantes aux noires atmosphères musicales, où percent une insolente aisance d’écriture, une impressionnante et impressionniste maturité déjà. Presque davantage mis en scène qu’orchestré par son complice David Babin, alias BabX, Initiale révèle une rare alchimie entre forme et fond. Embarquant dans ses longs travellings les penchants de BabX pour le jazz (Billie Holiday, Coltrane, Nougaro), les BO de films noirs, le music-hall, le classique, le rock, l’electro, Barbara ou Ferré.

    Et comme tous deux ont le goût des beaux mots poétiques et partagent des admirations pour Baudelaire, Rimbaud ou Artaud, pas étonnant de voir surgir des «nuits fauves», «aubes sépia» ou des images de bohèmes. En tous les cas, L trimbale avec élégance et prestance ses états d’âme et son désenchantement, ses errances et désirs brûlants au cœur de cet univers sonore tour à tour mystérieux et ensorceleur. «Mes lèvres sont mortes à minuit/Mes lèvres sont mortes d’ivresse/Embrasées dans un tourbillon/Carillonnant plein de promesses/En confettis et cotillons», chante-t-elle en introduction à la manière d’une Cendrillon aux prises avec ses émois. Dans une diction et un débit qui évoquent celui de la Barbara de «La solitude», L vous foudroie pareillement que l’une de ses références absolues en jouant sur l’incessante valse des sentiments.

    Quelques figures et mondes interlopes émergent aussi par moments et renforcent le décor de cet Initiale aux clairs-obscurs sublimes. A l’image du captivant «Château Rouge» qui parvient à recomposer dans le détail l’atmosphère du cosmopolite quartier parisien où cohabitent Africains, dealers, camés, bobos et prostituées. A cette immersion au sein d’odeurs de soufre et de produits exotiques, L ajoute une autre citadine balade nocturne aux parfums plus délétères et aux plans plus cinématographiques encore via «Romance et série noire», titre rappelant le «Crack Maniac» de BabX. Ailleurs, ce sont des spleens («Les corbeaux»), passions (le plus mélodique «Jalouse»), poétiques rêveries (l’autoportrait fictif Initiale, «Pareil», «Mescaline») et de belles trouvailles lexicales comme ce «Je fume pour me rappeler ta voix» qui se trouvent souvent déclinés sur d’exquises lenteurs et moiteurs rythmiques.

    Cette esthétique du film musical en noir et blanc appliqué à Initiale, soigneusement peaufiné, confère à l’album un troublant supplément d’âme. La chanteuse a bien fait de prendre son temps pour écrire ce premier chapitre suivant un prologue esquissé il y a trois ans par le biais de six titres, Premières Lettres. Et d’où émergeait déjà «Petite», chanson émouvante sur l’amour d’un homme pour une fille de joie sans papiers volatilisée. Avec de tels atours stylés et ce son patiné, Initiale et L figurent déjà au rang des précieuses révélations de l’année française de la chanson

    Cet article est aussi paru dans le Quotidien Le Temps du 15 avril 2011

  • Mars 2011

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    ThiéfaineSupplmensonge.jpgHubert-Félix ­Thiéfaine, Suppléments de mensonge (Columbia)

    Un seizième album limpide et une biographe captivante remettent en lumière le chanteur qui a connu une récente descente aux enfers. Rencontre avec un survivant de 62 ans

     

    Après le gouffre, la renaissance. Suppléments de mensonge , seizième album studio du chanteur français, sonne comme une ­délivrance. Tant Hubert-Félix ­Thiéfaine, HFT pour ses fans et ­intimes, est parvenu à conjurer divinement ses démons avec ce disque dont les brises pop atténuent les braises textuelles.

    En confiant les arrangements aux orfèvres Edith Fambuena et Jean-Louis Piérot du tandem Les Valentins (Daho, Bashung ou ­Birkin), le Jurassien s’est octroyé des orchestrations amples et aérées. Quelques compositeurs en vue (Arman Méliès, JP Nataf ou Ludéal) lui permettent également de poursuivre l’ouverture mélodique pratiquée sur Scandale mélancolique (2005).

    La confrontation d’un fond abrupte à ces lignes musicales claires offre encore à l’électron libre Thiéfaine de cultiver les bipolarités qu’il chérit tant depuis près de trente-cinq ans. Grâce à un répertoire aussi érudit que maudit et onirique, où il aime à remuer les plaies de l’enfance, à mettre en relief l’absurdité humaine ou ses fêlures intimes et ses noires colères. Rebelle à sa manière, «qui aime Ferré, Dylan, les Rolling Stones, la littérature américaine, les alcools blancs, les piments rouges et le silence des forêts» sans oublier les auteurs classiques (Plutarque, Sénèque, Cicéron, etc.) et nihilistes, Thiéfaine planque pourtant sous le vernis de Suppléments de mensonge quelques vérités funestes.

    A l’image de ce charnière «Je rêve tellement d’avoir été que je vais finir par tomber» activé au cœur de «Petit matin 4:10 heure d’été». La chute a en effet été brutale dans le cas de l’auteur du populaire «La fille du coupeur de joints». Elle remonte à l’été 2008: «C’est une chanson documentaire qui traite de tout ce qui se passe dans la tête d’un suicidaire au moment où il va passer à l’exécution de sa décision. Je m’y fais simple reporter de ma douleur. Je comprends qu’on puisse y attacher davantage d’importance: le suicide en soi, hormis chez quelques punks, a rarement été abordé et développé en chanson». Pour souligner la thématique, Thiéfaine a placé en exergue dans le livret la citation de l’écrivain suédois suicidé Stig Dagerman: «Vivre signifie seulement repousser son suicide de jour en jour.» Et a daté la chanson au 28/08/2008.

    Le décor et l’ampleur des troubles ont le mérite d’être posés. Victime d’un sérieux burn-out aux conséquences presque funestes, Thiéfaine s’est lentement remis en selle. «Je ne suis pas du genre à exploiter ce genre d’accident mais il est bien d’en parler. J’ai été hospitalisé trois mois et demi avant une longue convalescence, et ce repos forcé a évidemment influencé l’écriture apaisée de Suppléments de mensonge. Mes précédents disques étaient plus énervés et réalisés dans une vie stressée, dingue et pleine d’excès.»

    Afin d’être «plus en adéquation avec ce nouveau souffle et cette énergie inédite», le sexagénaire requinqué a même jeté un album achevé entier à la poubelle (baptisé Itinéraire d’un naufragé) dont il n’a ici exhumé que deux chansons: «Petit matin 4:10 heure d’été» et «Garbo XW machine». Jours d’orage, exemplaire biographie réactualisée et signée Jean Théfaine, permet d’ailleurs de mieux appréhender les origines de ce crash qui a conduit HFT à faire table rase d’un passé tumultueux et doloriste.

    Chétivité et soucis de santé, repli précoce dans son monde pour cause d’humiliations répétées, éducation catholique au sein d’une famille ouvrière à Dole mais école laïque d’abord avant de rejoindre un séminaire catholique puis les Jésuites, révolte ensuite «contre les rigidités d’un système d’éducation où ses rêves se sont fracassés» mais «en admiration aussi devant la qualité d’un bagage scolaire acquis à force de travail encadré», Thiéfaine finit par cultiver les paradoxes. Et de citer en guise de justification, lui qui a expérimenté autant le mutisme, le caniveau que les fièvres littéraires et philosophiques, un chef sioux et chaman: «Il faut absolument faire un tour de l’homme à 360 degrés pour saisir l’expérience humaine. C’est-à-dire éprouver à la fois la sagesse et le dévergondage.»

    Dans le cas de Thiéfaine, les vertiges de l’empathie passent par l’enseignement du grec et du latin, ­l’alcoolisation précoce, l’apprentissage de la guitare en autodidacte, le mal-être et le mutisme mêlé aux jouissances de la lecture, des dérives parisiennes en compagnie des «fantômes de Rimbaud, Verlaine et Baudelaire» au mitan des années 1970 et par la naissance sur le pavé de ses trois premiers albums. A côtoyer de si près l’autodestruction, la folie et les grands auteurs, le loup solitaire se refait pourtant peu à peu une santé de fer. Et «le caillou catatonique» qui s’est réfugié dans l’écriture avant d’apprivoiser à nouveau la parole à 35 ans de se forger un style inimitable.

    Sa longue psychanalyse versifiée, truffée de néologisme et de mythologie, aura fonctionné comme l’unique échappatoire aux spectres du passé. Le récent hoquet de son histoire a bien failli lui être fatal. Mais permet de mieux mesurer à quel point ce Suppléments de mensonge, dont l’expression emprunte au Gai Savoir de Nietzsche, compte dans le parcours du miraculé Thiéfaine.

    Biographie: Hubert-Félix Thiéfaine: Jours d’orage, par Jean Théfaine (Fayard)BioThiéfaine.jpg

    Cet article est aussi paru dans le Quotidien Le Temps du 26 mars 2011