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L'âme-son - Olivier Horner - Page 18

  • Brassens avant l'heure

    Avant l'heure, c'est déjà l'heure! A peine digérées les commémorations des oeuvres de Gainsbourg et Trenet que les hommages à Brassens sont déjà à consommer sans modération. La faute à l'exposition parisienne qui a démarré à la Cité de la musique et sonne, à l'aube du printemps, les célébrations des trente ans de la mort automnale de Tonton Georges, le 29 octobre 1981.

    Au coeur de ce nouveau déluge éditorial, où l'on apprend pas grand chose de neuf à vrai dire, il y a tout de même un inédit textuel déniché par le journaliste et biographe Jacques Vassal chez le neveu et ayant droit de Brassens, Serge Cazzani. Mentionnée dans Brassens, homme libre (Cherche-midi, 2011), version augmentée d'une précédente bio de Vassal, la chanson n'a en revanche ni titre ni année de création.

    Jacques Vassal pense toutefois que ce titre, qui ne figurait pas dans les Oeuvres complètes de Brassens (Cherche-midi, 2007), a été écrite en 1946 pour l'amoureuse du poète en ce temps-là, à savoir la Petite Jo.

     

    HORS_SERIE_BRASSENSVibrations.jpgElle entra dans ma vie en patins à roulettes 
    Elle était verdelette elle était bachelette 
    L'amour comme toujours marchait à l'aveuglette
    J'ai pas su m'écarter j'ai fait une boulette

    La publique rumeur m'a mis sur la sellette 
    La chair fut un peu triste elle était pucelette 
    Et moi je n'étais pas un véritable athlète
    La fringale la prit j'avais pas de galette
    Elle quitta ma vie en patins à roulettes
    Elle atterrit chez un boucher de la Villette 
    Dieu lui pardonne elle adorait les côtelettes 
    Avec du serpolet et de la ciboulette
    Ce fut un certain temps de dérive complète

    J'eus même envie de me déguiser en squelette 
    Et lui faire envoyer dedans une mallette 
    Mes osselets pour qu'elle en fît des amulettes
    Avec son souvenir depuis je me collette

    Son fantôme me suit en patins à roulettes 
    Elle entra dans ma vie en patins à roulettes
    Elle était verdelette elle était bachelette
    J'ai pas su m'écarter j'ai fait une boulette

    L'amour comme toujours allait à l'aveuglette
    La publique rumeur m'a mis sur la sellette
    La chair fut un peu triste elle était pucelette
    Elle sortit de ma vie en patins à roulettes

    Pour un boucher des abattoirs de la Villette
    Qu'était plus vieux que moi qu'avait plus de galette
    Dieu lui pardonne elle adorait les côtelettes
    Avec du serpolet et de la ciboulette

    Ce fut un certain temps la dérive complète
    J'eus même envie de me déguiser en squelette
    De lui faire envoyer dedans une mallette
    Mes osselets pour qu'elle en fît des amulettes
    Avec son souvenir depuis je me collette.
    (©Le Cherche Midi)
  • Février 2011

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    daphne-bleu-venise.jpgDaphné, Bleu Venise (V2)

    La chanteuse revient avec «Bleu Venise», troisième album romancé captivant d’onirisme.

    De l’azur sur Venise. Des couleurs musicales à embellir l’hiver. Pour sa troisième escapade discographique qui cligne encore de l’œil vers le nuancier des palettes picturales et du côté des coloristes de la musique classique, Daphné choisit aussi un décor fantasmagorique. Non pour y mourir mais y renaître: à la chanson, à la mélancolie, à la volupté ou à la légèreté. Aux affres aussi bien qu’aux renaissances qu’offre le film de nos vies modestes.

    Bleu Venise, c’est surtout les vertiges d’une Daphné qui filtre la valse des sentiments en chansons. Sa Venise se voit ainsi sous la neige pour accueillir un dernier tango et s’aimer passionnément. ­Daphné a quelque chose d’une fée, métamorphosant ses envies et lubies en un tour de main enchanté. Avec la romance et l’onirisme en guise de compagnons de route et déroute, elle trouve encore une voie sublime.

    Il y a six ans déjà, L’Emeraude (2005) avait révélé son timbre sensuel à travers un recueil de contes aux idées finement poétisées et aux orchestrations luxuriantes. Les partitions y empruntaient autant au classique qu’à la pop, au swing qu’aux raffinements de l’électronique. Et la chanteuse créait des climats oscillant entre démesure et recueillement, éther et terre. Une ambiance enchanteresse que ­Daphné a réactivée tout au long de Carmin (2008), deuxième jet plein de sève et de chair déclinant le rouge sur tous les tons. Lyriques, romantiques, oniriques et parfois désespérées, les chansons vives de Carmin évoquaient intensément la passion amoureuse, le vague à l’âme au féminin, la mort autant que son antichambre. Une existence qui, dans l’esprit de Daphné, se devait alors d’être des plus bouillonnantes et organiques pour valoir la peine d’être vécue. «Mourir d’un œil» y exhumait comme un clin d’œil le «Je voudrais pas crever» de Boris Vian.

    Au fil de Bleu Venise aujourd’hui, elle ne veut surtout plus dormir seule. Et son répertoire de se consumer de désir. Ou de mal d’amour parfois, à l’image du magnifique «Portrait d’un vertige» où les nuits qu’on se rêve et se fabrique sont plus du tout belles à hanter Daphné. Toujours aussi ardente et flamboyante du haut de ses 34 ans, cette Daphné qui a obtenu le Prix Constantin 2007 sait ainsi aussi évoluer dans des climats plus feutrés. Comme dans «Chanson d’orange et de désir» ou «Hors temps» qui rappellent «L’homme piano» (sur Carmin) et les filiations de Daphné avec Barbara. Même si à présent Daphné préfère greffer à sa plume onirique des bandes-sons proches de celles activées par Björk ou Beth Gibbons de Portishead («Even Orphans Have a Kingdom» et «The Death of Santa Claus») ou une fraîcheur pop («L’homme à la peau musicale»). Insolemment libre et romancé, Bleu Venise ensorcelle encore grâce à des cordes soyeuses ou menaçantes.

  • L'Ethylique, vue de Gainsbarre...

    Allez, un dernier pour la route!

    Vingt ans de sobriété et nous voilà pourtant toujours pas rassasié de Gainsbourg/Gainsbarre. Alors fêtons cela en chanson...

    L'ETHYLIQUE (chanson de Gainsbourg, musique Jacques Dutronc). Album Guerre et pets de Dutronc, 1980

    J'ai pas d'paroles
    Gainsbourg s'est fait la paire
    Faut s'le faire
    Quand il boit
    Mais ma parole
    ça commence à bien faire
    Dans un verre
    Il se noie

    Il prend son fade
    Avec du champagne
    Et du brou de noix
    Il m'laisse en rade
    Avec ma p'
    Tite mélodie à la noix

    Il m'aurait dit
    Qu'l'amour s'est fait la paire
    Il faut faire
    Avec c'qu'on a
    Il aurait vu
    Toi et moi font la paire
    Quand j'te serre
    Dans mes bras

    Pauvre alcoolo
    Il faut toujours qu'il se cuite
    Pourquoi
    Pauvre éthero
    Eternellement en fuite
    De quoi

    J'ai pas d'paroles
    Gainsbourg s'est fait la paire
    Faut s'le faire
    Quand il boit
    Mais ma parole
    ça commence à bien faire
    Dans un verre
    Il se noie

    SergeGainsbourgTombe.jpg

  • Janvier 2011

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...


    KancheVigilesaube.jpgMarcel Kanche, Vigiles de l'aube (Cristal Records)

    Le précieux et discret chanteur, plume de M et Paradis, enchante encore avec les morsures rock de ce septième album.

    Pour les souffle et les soupirs de « Vigiles de l'aube », chanson phare qui éclaire de sa grâce mélancolique ce septième album, un nouveau détour par les humeurs vagabondes et les clair-obscurs de Marcel Kanche s'impose. D'autant que la chanson, destinée à son défunt frère d'âme Alain Bashung qu'il a parfois côtoyé sur scène comme en studio et auquel il a soumis des textes dix ans durant, répand son venin rock et poétique sur plus de six minutes.
    Ailleurs, Vigiles de l'aube alterne encore morsures au point du jour et fulgurances nocturnes à travers des couplets oniriques. L'ivresse des résonances, la magie des assonances et le vertige des lenteurs n'ont pas quitté Kanche. Si l'art pictural murmuré-chanté du Français ne s'est toujours pas fait connaître plus loin à la ronde en un quart de siècle malgré deux tubes pop livrés sur un plateau à M (« Qui de nous deux? ») et Vanessa Paradis (« Divine idylle »), rien ne saurait perturber sa précieuse science lexicale. Où failles, désarrois et solitudes se disputent les métaphores entre rivière, marécage ou boue. Autant de terrains glissants ou détrempés que sa plume tanguant entre éclaircies et éclipses investit de profonds états d'âme.
    Quelques chansons majestueuses aux titres étranges comme « Pensées de brindille », « Et dans la boue semé », « Buveurs de marécages » ou « Où est la lande? » se distinguent encore au coeur de cette forêt humide pleine de contradictions, d'hésitations et de sentiments ardents. De telles splendeurs fragiles n'ont pas de prix.



  • Fantaisies littéraires. Chapitre IV. Guidoni et Prévert

     

    Coup de projecteur mensuel sur un album aux accents littéraires. Quatrième volet avec Jean Guidoni et Jacques Prévert.

    Les chanteurs aiment la littérature. Oh bien sûr, de loin pas tous! Mais ceux que l'on a envie d'évoquer au fil de cette chronique – une certaine chanson actuelle - la choie d'une manière singulière. Contemporaines ou modernes, poétiques ou philosophiques ou documentaires, de belles plumes littéraires touchent ces voix francophones qui aiment à les mettre en musiques. Comme avant guerre Verlaine a touché Damia, Jean Cocteau Marianne Oswald ou tel l'état de grâce vécu après guerre du tandem Jacques Prévert-Joseph Kosma auprès de nombreux interprètes, les belles feuilles qu'écrivent chanson et littérature sont aujourd'hui loin d'être mortes.

    Jean-Louis Murat, Dominique A, Arman Méliès, Bertrand Belin, Bastien Lallemant, Berry, Barbara Carlotti, Claire Diterzi, Lola Lafon, Rodolphe Burger, BabX et bien d'autres entretiennent une relation forte avec la galaxie littéraire.

    GuidoniPrevert.jpg

    Il a beau reprendre Prévert, ce n’est pas pour emprunter le chemin des «Feuilles mortes» balisé par Gréco et Montand ou, indirectement, par Gainsbourg. Jean Guidoni, lui, préfère des chansons aux tonalités plus sombres, parfois surréalistes, telles «Chasse à l’enfant» (en duo avec Juliette), «Maintenant j’ai grandi» ou «Etranges étrangers» qui a donné son nom à un album paru début 2009. Le chanteur français y cultivait encore le décalage propre à son parcours atypique depuis plus de trente ans.

    Depuis ce moment charnière du début des années 80 qui marque le réel départ artistique d’un homme évoquant alors sans fard l’homosexualité tout cuir, la pornographie, la nécrophilie. L’époque d’un répertoire des marges qu’en scène, grimé de blanc et vêtu de noir avec bas résille en prime, Guidoni interprète dans des scénographies interlopes héritées des atmosphères cabarets du Berlin des années 1920.

    Avec lui, Prévert prend donc logiquement des airs plus blafards. En treize chansons, le poète devient le chantre d’une gamme de noirceurs que Guidoni sait restituer avec la justesse de son timbre charbonneux évoquant un mélange entre Lavilliers et Nougaro. Depuis 1989, où Guidoni avait déjà repris Prévert sur scène, les textes du poète ont continué de le hanter. Marqué par l'univers noir de Prévert, son regard lucide sur le monde et la dimension cinématographique de ses textes, Guidoni le reprendra ainsi souvent durant les rappels de ses concerts. Avant de s'y consacrer tout entier dans cet Etranges étrangers au parfum de souffre et aux climats cinématiques, où les musiques ne sont plus exclusivement signées Kosma.

    Jean Guidoni chante Prévert, Etranges étrangers (Edito Musiques)