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L'âme-son - Olivier Horner - Page 16

  • Octobre 2012

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...


    Raphael.jpgRaphaël, Super-Welter (EMI)

    Avec son cinquième album de poids, Super-Welter, le chanteur français s’éloigne de l’image d’ange inoffensif charriée voilà sept ans par son étape Caravane.

    Passé la pochette en forme de photo-montage hideuse où Raphaël, flanqué d’un bouldog, apparaît sous des airs de Michael Jackson à visage encore plus pâle, ce Super-Welter en dix rounds pop et rock se révèle des plus fréquentable.

    L’entêtant «Manager», titre le plus radiophonique, inaugure cette suite de corps-à-corps mélodique avec une rythmique basique d’essence Velvet Underground. Changement de décor avec l’ampleur pop saccadée de "Déjà vu", où Raphaël chante d’une voix de tête truffée de réverbérations proche de celle de Gérard Manset qui lui a écrit plusieurs chansons par le passé.

    A cette variation autour du coup de foudre succèdent quelques rêveries nocturnes, dont ce "Voyageur immobile" en apesanteur comportant une jolie chinoiserie à la Bowie de "China Girl", le plus sec et noir "Asphalte" où Raphaël cherche sa place au milieu du trafic sur fond de crise de jalousie et ce languide "Peut-être" porté par un piano mélancolique.

    Parmi ces dix titres où l’amour prédomine, l’impétueux "Mariachi blues", avec ses airs funèbres de rock désaccordé et sa galerie de têtes brûlées, aurait pu être chanté par Daniel Darc et Alain Bashung. Quand "Collision" ravive la passion de Raphaël pour la moto en blouson noir, de nuit, en même temps que son admiration pour la froideur d’Alan Vega.

    Le collage d’esthétiques sonores et l’économie de mots fonctionnent à merveille sur ce Super-Welter à l’épilogue aussi craquant que brinquebalant: "Je me suicidais souvent/Quand je t’aimais vraiment".

    A lire dans le quotidien Le Temps: rencontre avec Raphaël

  • Septembre 2012

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...



    LoizeauMothersTygers.jpgEmily Loizeau, Mothers & Tygers (Polydor)

    Emily Loizeau a toujours apprécié les œuvres en forme de chemins de vie. Aux pulsions vitales du luxuriant Pays sauvage (2009) formalisant le deuil de son père, encore inachevé au moment de son entrée en chansons bilingues au fil du plus intimiste L’Autre Bout du monde (2006), succède désormais à tout bout de chant la question des filiations.

    Mothers & Tygers, avec sa coquetterie orthographique empruntée à William Blake en sus de quelques vers (extraits de Songs of Experience), évoque poétiquement des histoires de famille. L’enfance d’une jeune femme ­devenue mère aussi. Et un flot d’introspections existentielles égrenées essentiellement ici au rythme de ballades folk-rock, avec un penchant pour les échappées séraphiques tendance hippie-néofolk.

    Rien de plombant pour autant dans ce décor volontiers naturaliste qui pourrait s’apparenter à un champ de ruines affectif, où rôdent souffrance et mort. Emily Loizeau prône le courage et la détermination, annonce la fin des larmes. Même s’il débute par un hommage à peine voilé à la défunte chanteuse Lhasa, Mothers & Tygers entrevoit rapidement l’espoir ("Vole le chagrin des oiseaux", "Parce que mon rire a la couleur du vent" ou "No Guilt No More").

    Après avoir perdu en émotion ce qu’elle avait gagné en complexité rythmique avec Pays sauvage, Emily Loizeau rétablit un certain équilibre. En réactivant ses chansons-songes, d’une voix de femme-enfant plus prononcée, c’est la fragilité qui peut à nouveau prédominer et briller.

  • Août 2012

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

     

    KancheFerré.jpgMarcel Kanche & I Overdrive Trio interprètent Léo Ferré, Et vint un mec d'outre saison (Cristal Records)

    Moins de deux ans après un septième album vénéneux, Vigiles de l’aube, Marcel Kanche se penche sur le répertoire patrimonial de Léo Ferré. Entreprise casse-gueule dont le plus bel inconnu de la chanson rock francophone – plume de M ou de Vanessa Paradis – se tire à merveille aux côtés d’un I Overdrive Trio croisé auparavant sur un haletant hommage à Syd Barrett. Saturations de guitares rock, batterie jazz ou trompette soulignant les mélodies et parlé-chanté frotté sur papier émeri participent à cette inspirée et brûlante réappropriation de Ferré, où brillent entre autres "Le chien" dans une version tendue entre free jazz et post-rock, le magnétisme trouble de l’inédit "Le chemin d’enfer" et un "Epilogue" tout en crescendo rêche.

  • Juin 2012

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    Salvador.jpgHenri Salvador, Tant de temps (V2)

    Henri Salvador avait 90 ans au soir de sa mort, il y a quatre ans et des poussières. Et près de 950 titres légués au patrimoine chanté. On pensait le chapitre du pitre entré en chansons douces clos. C'était sans compter sur les inédits posthumes de Tant de temps qui rouvrent une belle page de l'histoire de la voix mélancolique ou bienheureuse de "Syracuse", "Dans mon île", "Le lion est mort ce soir" ou "Zorro est arrivé".

     Dans l'esprit de Chambre avec vue (2000), album de son épatante régénération, Benjamin Biolay exhume ici brillamment la substantifique moelle du Salvador de cette ère-là grâce à ce chapelet de maquettes miraculées. Des arrangements impressionnistes et graciles, une voix caressante et confidente, des vaguelettes bleutées et caraïbes, des parfums bossa du Brésil chéri de Salvador confèrent à Tant de temps la patine intemporelle désirée.

    La nonchalance élégante du crooner est ravivée entre touches de saxophone et de trompette, cordes, percussions ou piano. Le crooner flirte avec Nat King Cole ("Paname à la Havane"), Carlos Jobim ("Une île sans elle") et même Debussy au fil d'une superbe réorchestration de "Syracuse" réussie par Biolay. Rien à jeter. L'outrage post mortem est habilement esquivé avec des mots d'amour et un sourire testamentaire affiché d'emblée : "J'ai eu ma part de pire/J'ai eu ma part de chance/J'étais juste là pour vous dire/ça n'a pas d'importance/Tout ça c'était pour rire (...) Je n'ai pas peur de partir/J'ai pas peur du silence".

  • Mai 2012

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

     

    Uminski.jpgPhilippe Uminski, Mon Premier Amour (Columbia)

     

    Une résurrection. Pour ­Philippe Uminski, habitué aux beaux seconds rôles comme réalisateur ou arrangeur auprès de Julien Clerc, Cyril Mokaiesh, les Têtes Raides ou Johnny Hallyday, mais auteur de trois albums solo dispensables, Mon Premier Amour sonne un renouveau. Constitué de vertiges passionnels, de désillusions sentimentales, d’amertume passée et d’élans existentiels, ce disque enregistré sans filet avec grand orchestre et septet rock charrie un souffle sidérant. Relevé encore par une voix pleine de ferveur semblant jouer sa vie sur chaque chanson. Cette intensité balaie tout sur son passage.

    Entre rafales de vent et ­zéphyr, envolées lyriques et accalmies mélodiques, cordes, ­cuivres, percussions et claviers millésimés, Mon Premier Amour évoque par endroits l’âge d’or de la pop française des sixties (Legrand ou Polnareff). Alors qu’ailleurs ce sont les spectres de Nougaro et, surtout, de Brel qui surgissent par le biais d’inflexions vocales ou de registres musicaux (java, valse). Sans omettre quelques réminiscences aznavouriennes ça et là.

    Reste qu’Uminski, dont la culture musicale semble aussi nourrie que digérée et passe assurément par les Beatles et John Barry, a aussi une sublime corde textuelle à son arc. Le cru «Par les toits», le chagrin «Autant qu’il m’en souvienne» sur fond "james bondien", les lucides «Un temps» et «Le temps qu’il reste à vivre», l’éperdu «La vie continue» sont de palpitants moments forts. Des tourbillons de vie nuancés.