Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...
Brigitte Fontaine, J'ai l'honneur d'être (Silene-Decca)
Après un ravalement de façade de son répertoire volontiers surréaliste, baroque, fantaisiste, libertin, grossier ou vindicatif, opéré principalement en duo (L’un n’empêche pas l’autre, 2011), Brigitte Fontaine revient avec un album original à l’intitulé égocentrique trompeur. J’ai l’honneur d’être étant plutôt un bouquet de chansons truffé d’épines.
Débutant sous de sombres auspices avec «Camisole de force/Relookée Crazy Horse/Je m’appelle Lola/Je suis une paria», ce dix-huitième album de l’éternelle anticonformiste offre une série de portraits et de confessions aux humeurs changeantes. La chanteuse française, qui aime à varier les costumes depuis son premier manifeste soixante-huitard, Brigitte Fontaine est folle, envoie savoureusement Dieu au diable, conte crûment les vertiges de l’amour et du sexe («Delta», «Les Hommes préfèrent les hommes»), se glisse dans la peau d’une cruelle «Pythonisse», égrène ses pêchés mignons et détestations («J’aime»). Mais sous la provocation, l’émotion et la tendresse affleurent pourtant plus souvent. A l’image de la somptueuse mise à nu sentimentale de «Père».
Si la voix de ces parlé-chanté n’est logiquement plus très bien assurée au regard de ses 74 ans, Fontaine continue de toucher par des textes poignants soigneusement orchestrés et arrangés par son fidèle compagnon Areski Belkacem. Par touches expressionnistes, il accompagne finement le verbe informel et affranchi de sa muse historique.
Cette chronique est aussi parue dans le quotidien suisse Le Courrier du 5.10.2013
En Suisse romande comme aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en France, il y a eu des «générations» Presley, Beatles, Dylan ou Woodstock. C’est à ces sources, nourries encore de blues et de country, que s’est abreuvé toute l’histoire du rock’n’roll. Et c’est de ces vagues sonores qu’ont découlé mille et un flux et reflux artistiques ici et ailleurs.
Stromae, Racine carrée (Mercury)
Il a vu triple et en noir et blanc. Pour son cinquième essai, le Français Mendelson a imaginé une oeuvre anxiogène aux titres fleuves (jusqu'au jet de 54 minutes de « Les heures », chanson-titre en forme de trou noir du deuxième opus !). Un triptyque discographique époustouflant tout en tensions et dissonances rock, où l'expérimentation ne se révèle jamais impénétrable grâce à un savant dosage de mélodies pop.
On lui doit les musiques de «Tant de Nuits» et «Vénus» du Bleu Pétrole de feu Bashung avec qui il a aussi duettisé, le temps de «Ivres». Homme de mélancolies poétiques et toxiques, Arman Méliès excelle depuis huit ans et Néons blancs & Asphaltine dans les dédales étales d’un pop-rock où se toisaient autant Ennio Morricone que Talk Talk et Low.