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L'âme-son - Olivier Horner - Page 11

  • Décembre 2013: L'art des flous instantanés de Delerm

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    Vincent Delerm, Les amants parallèles (Tôt ou Tard)

    Vincent Delerm, Les amants parallèles, chanson, Tôt ou Tard, pochette, album, CDLa mue continue. Depuis Les Piqûres d'araignée (2006), Vincent Delerm affine les tonalités de ses instantanés chantés et de sa prose maniérée. L'ex-chantre des petits riens du quotidien qui s'est délecté de citer Télérama ou Cosmopolitan , François Truffaut ou Fanny Ardent pour bâtir son succès se révèle toujours plus pop et délicat. Ce cinquième album, conceptuel mais fluide, esquisse et croise des histoires d'amour (ardentes et éteintes) avec toute la délicatesse mélancolique de pianos préparés engendrant aussi sons de cordes, percussions et basses.

    En treize chansons toujours concises, le fils du romancier Philippe Delerm entrelace cinéma et photographie, François de Roubaix et Martin Parr, Rosemary's Baby et Johnny Marr (gracile « Haçienda »), monologue du second acteur/narrateur féminin, messe basse sans excès de théâtralité. Impressionnisme et profondeur de champ, fugacité et intemporalité ou interludes et chansons pleines font gagner à Delerm rondeur, chaleur et élégance.

    Ces Amants parallèles se distinguent par leur art exquis de l'esquive, succession d'images floues et de pensées ou sentiments vifs et furtifs où s'illustrent les très Nouvelle Vague « Bruits des nuits d'été », « Ces deux-là », « Les amants parallèles » et « Le Film ». Intégrant par endroits citations et références, ce corpus atypique s'éloigne ainsi au plan des filiations davantage de Souchon pour se rapprocher des atmosphères fugaces et du romantisme rêveur de Jean Bart.  

  • Novembre 2013 (II): Les lignes de fuite de Détroit

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons...

    Détroit, Horizons (Barclay/Universal Music)

     

    Détroit, Horizons, Bertrand Cantat, Pascal HumbertNoir Désir réduit en cendres et son ex-chanteur Bertrand Cantat voué à perpétuité à la conditionnelle artistique. De la controverse autour de son droit à rehausser la voix depuis sa condamnation pour l'homicide en 2003 de sa compagne, l'actrice Marie Trintignant, il faut donc faire abstraction. Pour se focaliser sur l'unique substance résiduelle, à savoir ce premier album de Détroit, nouveau projet de Cantat et du musicien Pascal Humbert (Passion Fodder ou 16 Horsepower) dans le sillage de leur collaboration pour la bande son de la pièce de Wajdi Mouawad autour de Sophocle (Choeurs, 2011).

    Le biennommé Horizons esquisse treize lignes de fuite entre rock et blues sinueux, où orage et rage menacent sans cesse sur fond d'échos autobiographiques. D'indolences en fulgurances, les chansons de Détroit serpentent au rythme d'une âme purgeant sa peine. Litanie de plaies béantes, chants d'abyssales tristesses. A l'image des frissons du fantôme sentimental (poignants « Ange de désolation », « Ma muse » et « Glimmer in your Eyes »), de cet « Horizon » un temps plombé « entre les cloisons » où « le rythme carcéral passe par les tuyauteries », des intermèdes crissants et anxiogènes (« Détroit 1 et 2») qui participent d'un répertoire aux allures d'électrocardiogramme instable. Un inconfort culminant dans les oscillations ténébreuses de l'épilogue instrumental « Sonic 5 ».

    Détroit avance à coup de décharges électriques avant de reculer par un rythme hypnotique ou quelques accords de guitare lumineux. Tensions, suspensions. Damnation et infimes lueurs de rédemption. L'air est chargé sans être vicié. La pesanteur ne s'oxygène qu'au détour de titres plus délayés et moins relevés (« Droit dans le soleil », « Le creux de ta main » aux airs de « Tostaky », « Null and Void ») ou, paradoxalement, de la relecture peu hantée d'«Avec le temps » malgré son poids hautement symbolique. Comme si l'intimisme suffoquant des mots à maux n'autorisait finalement que peu de perspectives enchanteresses.

  • Novembre 2013: Daho en clair-obscur

    Dans la profusion des sorties mensuelles, ne retenons que quelques chansons….

    Etienne Daho, Les chansons de l'innocence retrouvée (Polydor/Universal Music)

    Etienne Daho, Les chansons de l'innocence retrouvée

    Au fil d'un répertoire érudit qui a autant murmuré le noir désarroi que le feu de la passion, les désillusions fatales que les obsessions destructrices et les errances, Etienne Daho s'est mué en dandy tout désigné de la pop française. Pour son album du retour, le onzième depuis Mythomane (1981) produit par feu Jacno, le chanteur rallume son penchant pour les clairs-obscurs.

    En se référant aux Chants de l'innocence et de l'expérience de William Blake, il convoque d'emblée enfer et paradis poétique. Pourtant, au regard des noirceurs introspectives de L'Invitation voilà six ans, Les chansons de l'innocence retrouvée s'avèrent moins un pont des soupirs qu'un jardin du plaisir.

    En ravivant une pop classieuse et ample, ces arrangements si chers à Michel Legrand ou John Barry, Daho parvient à donner de l'air à ses habituelles langueurs mélancoliques. Sa prose plus plombée thématiquement, qui évoque destins brisés, exil clandestin (superbe « Un nouveau printemps »), doutes métaphysiques, paradis perdus ou amours contrariées, s'y délaie aisément. Hormis un titre d'une belle froideur synthétique (la concision à effet miroir d'« En surface » co-signé avec Dominique A), c'est ainsi un Daho charnel qu'on redécouvre.

    Entre perles éclatantes (« Le baiser du destin » ou « L'homme qui marche ») et faux bijoux (l'exercice stylistique qu'est « La peau dure » ou les ficelles discoïdes des « Chansons de l'innocence retrouvée »), ce disque riche en invités de marque (Nile Rodgers ou Debbie Harry) ne brille pourtant vivement que par intermittence. Un tableau clair-obscur en somme.  

  • AUTOPROMO: Revue de presse de "Romands rock"

    Romands rock, Panorama des musiques actuelles en Suisse romande de 1960 à 2000 (Slatkine/FCMA)

    Romands rock, Olivier Horner, musiques actuelles, Suisse romande

    A travers les différents courants musicaux et leurs figures phares mais aussi par le biais des soubresauts politiques, sociaux, culturels et économiques, Romands rock retrace le développement de la scène des musiques actuelles des sixties à l’an 2000. Et s’arrête chemin faisant plus longuement aux côtés d’artistes qui ont marqué la Suisse du sceau de leur créativité, dont Pascal Auberson, Stephan Eicher, les Young Gods et Sens Unik.


    "Romands rock" dans les médias, c'est par là:


    - PRESSE

    LE TEMPS, 23.11.2013

    - EDELWEISS, 1.12.2013

    TRIBUNE DE GENEVE, 31.10.2013

    LE COURRIER, 26.10.2013

    LA CÔTE, 16.10.2013

    24HEURES, 1.10.2013

     

    - RADIO 

    - RADIO VOSTOK, 2.12.2013

    - COULEUR 3, Lève-toi et marche: Réveille-Machin, 28.11.2013

    - RHONE FM, Et pi comment?, 29.10.2013 

    RTS La 1ère, Pl3ein le poste!, 18.10.2013

    ONE FM, Un café, l'addition, 7.10.2013

    La 1ère/RTS, Vertigo, 27.9.2013

    Option Musique/RTS, Panorama, 26.9.2013

    La 1ère/RTS, Paradiso, 23 au 27.9.2013 

    Option Musique/RTS, Journée spéciale "Romands rock", 17.9.2013

     

    - TELEVISION

    RTS1, LA PUCE A L'OREILLE, 7.11.2013

  • Daniel Darc, seconde résurrection

    Beau testament posthume, «Chapelle Sixteen» réveille la voix d’un «condamné à vie» qui aura brûlé la sienne avec la foi comme phare. Un livre éclaire, lui, la trajectoire chaotique de l’ex-Taxi Girl.

    Disque: Chapelle Sixteen (Jive Epic)

    Livre. Daniel Darc, Tout est permis mais tout n’est pas utile. Entretiens avec Bertrand Dicale (Ed. Fayard, 2013)

    Daniel Darc, Chapelle Sixteen, cover, pochette, album, CD«Moi, je ne suis pas sûr encore que j’irai au paradis. Je voudrais réparer ce que j’ai fait. J’ai hâte de voir quand je mourrai. Je pourrais peut-être réparer des choses. Rétablir l’ordre. Rétablir ce qui aurait dû être.» Comme en écho à sa fameuse chanson «J’irai au paradis (car c’est en enfer que j’ai passé ma vie)», c’est en ces termes que finit Tout est permis mais tout n’est pas utile, livre d’entretiens inachevés du journaliste Bertrand Dicale avec Daniel Darc empruntant son titre à une phrase de Paul extraite du Nouveau Testament.

    Parues en mai dernier, trois mois après le décès subit du chanteur français le 28 février 2013 à l’âge de 53 ans, ces considérations résonnent davantage aujourd’hui à la lumière d’un titre posthume inédit tel «Une place au paradis». Où Darc se persuade encore en mode très rock’n’roll qu’il doit rester une chaise libre à côté de Saint Pierre, quand bien même il confesse ne pas avoir été un ange durant son passage sur terre: «J’ai fait des trucs moches (...), de grosses saloperies (...). J’ai été violent. J’ai été dégueulasse.» Au point que ses déclarations et son répertoire s’enchevêtrent pour former un unique corpus troublant dont l’obsession semble l’exorcisation des démons dans l’au-delà. Sans doute d’avoir par trop brûlé sa vie ici-bas tels ses modèles Kerouac, les Sex Pistols, Fitzgerald ou Coltrane.

     

    «JE L'AI SENTI HEUREUX»
    Mais s’il est à nouveau question d’enfer, de pêché, de ciel, de Dieu ou de rédemption au fil de Chapelle Sixteen, l’inespérée renaissance posthume du rescapé de Taxi Girl souligne surtout son inébranlable foi en l’existence et l’amour. Les lumières d’un «condamné à vie» («La Dernière fois»), préfèrerait dire celui qui a été voyou avant de se rêver punk, puis écrivain comme Burroughs plutôt que chanteur. Malgré les gouffres, les fatales errances, l’écorché vif du rock français savait faire preuve de fulgurances, à l’image de son retour en grâce en solo avec le sublime Crèvecœur (2005).

    Huit ans après, Chapelle Sixteen scelle enfin le destin tourmenté d’un homme qui n’était point au crépuscule de son existence chaotique ni de sa créativité artistique. «Durant la vingtaine de conversations que nous avons eues entre novembre 2011 et février 2013 pour notre projet d’autobiographie, j’ai senti Daniel Darc heureux, comblé. Il était dans une période apaisée moralement et de créativité foisonnante (des projets avec Bertrand Burgalat et AS Dragon). Le karatéka qu’il est resté était aussi en excellente forme physique et c’est d’ailleurs ce qui lui a permis de survivre si longtemps», précise Bertrand Dicale. Darc aura été un colosse courbé et titubant qui a chopé tous les types d’hépatite et vu ses frères d’armes tomber les uns après les autres du sida ou d’overdoses.

    Et si sur la pochette de Chapelle Sixteen, c’est plutôt le reflet noir et blanc du visage émacié à l’air grave de Darc qui apparaît renvoyé par le miroir d’une loge, son répertoire neuf ne s’avère pas si chargé de noirceur et de déses­poir. L’obsession de la mort («Le Dernier jour sur terre»), le poids de la culpabilité («La Dernière fois») et la réflexion spirituelle continuent de rôder, mais on ne perçoit jamais le chant du damné qui emplissait Amours suprêmes (2008) et La Taille de mon âme (2011). Le sevrage a peut-être eu ses vertus pour celui qui confessait récemment à Bertrand Dicale: «Je veux écrire des chansons et je veux les jouer. Pour ça, il faut que je sois clean.»

     

    Daniel Darc, livre, entretiens, Bertrand Dicale,  Tout est permis mais tout n'est pas utile, FayardTOMBER POUR MIEUX SE RELEVER
    En une douzaine de maquettes et onze chansons testamentaires quasi abouties, dont il avait pu choisir l’ordre au côté du compositeur Laurent Marimbert trois jours avant sa mort, et pour lesquelles il avait enregistré les voix, Darc fait jaillir la sève de sa vie intense, extrême. Et pas aussi paradoxale qu’on a pu le croire. Bertrand Dicale: «Malgré quinze ans d’héroïne et d’alcool, de défonce, Daniel Darc a toujours vu à sa vie une logique, un droit fil. Il tombait pour mieux se relever. C’était un rockeur et un homme de foi, au même titre qu’Elvis ou Johnny Cash. Il ne ressemblait qu’en partie à la mythologie qu’il véhiculait. C’est paradoxal aux yeux de la culture française et européenne où sexe, drogue et rock’n’roll vont de pair alors que la vision du rock et de la foi ne sont pas opposées dans la culture américaine d’où a émergé le gospel.»

    L’état d’esprit punk, la littérature et l’écriture pour seul salut, la foi comme phare, Darc n’aura pourtant jamais fait dans la dentelle ni la demi-mesure. A l’image de ce soir de 1979 où, juste pour rompre l’ennui, il se tranche les veines sur la scène du Bataclan à Paris lors d’un concert de Taxi Girl en ouverture des Talking Heads. «Je me fais chier. J’ai envie qu’on me regarde. Autant faire quelque chose. (...) Je n’en ai pas honte, mais je m’en fous. C’est un geste d’enfant.» D’un gamin d’origine juive russe, né Daniel Rozoum, qui s’est toujours foutu du lendemain, comme il le chante sur «Mauvaise journée». Chapelle Sixteen lui ressemble: sang et larmes, free jazz et poésie, rock et dangers, nuits et armes blanches, prisons et mélodies, amour et chœurs d’église, regrets et folies, Ravel et gueules de bois, des enfers et un paradis.

    Cet article est aussi paru dans le quotidien suisse Le Courrier du 12.10.2013