L'emblématique trio rock suisse fait escale en France*, au coeur d'une tournée européenne qui l'a mené au Portugal, en Pologne ou en Angleterre. Carnet de route en deux étapes tchèques supersoniques.
Bernard Trontin martèle un canapé avec ses baguettes. Franz Treichler effectue des étirements entre deux gorgées de thé miel-citron tandis que Cesare Pizzi pianote sur son ordinateur portable. Dans leur loge du club Fléda, à Brno, seconde plus grande ville de République Tchèque avec un peu plus de 400'000 habitants, les Young Gods apparaissent détendus.
Alors qu'en ce 11 décembre 2013 le premier de leur trois concerts en terres tchèques est imminent, l'emblématique trio rock romand fondé en 1985 accueillait voilà quelques minutes encore un visiteur attentionné. Čenda, organisateur un an plus tôt d'une prestation mémorable du groupe supersonique dans la proche cité universitaire d'Olomouc, vient de leur offrir à chacun une clé USB chromée, frappée de la date du 13.12.2012 en sus de leur patronyme et surtout chargée de souvenirs photos, vidéos et musicaux. « C'est vraiment un beau geste », s'émeut Pizzi en découvrant son contenu à l'écran.
Figure originelle des Young Gods avec Franz Treichler, Cesare Pizzi a réintégré le groupe aux samplers à la faveur de cette tournée spéciale axée sur le répertoire des deux premiers albums, The Young Gods (1987) et L'Eau rouge (1989). Remonter sur scène et le fil du temps lui procure un plaisir fou bien que son avenir tout comme celui du groupe soit flou. Reste que le remplaçant de luxe d'Al Comet réunit désormais ses camarades pour une accolade juste avant de filer sur scène avec un prophétique : « 11, 12, 13, magic numbers ! ». Ces trois dates tchèques, après deux escales au Portugal et avant l'enchaînement de Berlin et Londres, figurent l'ultime semi-marathon d'un tour d'Europe débuté en septembre à Vevey (Suisse).
Des prestations activées par le tandem Treichler-Pizzi plongé dans le noir, où seul le visage du chanteur fribourgeois finit par se détacher sous une lumière pâle pour « C. S.C.L.D.F ». Un « Comme si c'était la dernière fois » aux effets ensorcelants garantis, entre airs martiaux et abyssaux. Quatre-cents personnes instantanément aux anges ; Trontin peut sereinement se glisser derrière sa batterie et propulser le spectacle vers d'autres dimensions inouïes. Pour un crescendo à l'intensité dévastatrice.
Dans la foule, on croise plein de t-shirts noirs siglés « Young Gods ». Michael, 36 ans, a préféré arborer les Swans. « Au récent concert de Swans ici même, je portais le t-shirt des « Gods », raconte-il, hilare. Le clin d'oeil m'amusait (ndlr. : les Helvètes ont emprunté leur nom à un titre du groupe américain) ». C'est la cinquième fois en six ans que je les vois sur scène. Depuis mes 16 ans, je trouve que l'originalité de leur mixture de rock et d'électronique est sans pareil. Et toujours constante qualitativement à la différencie d'autres groupes du genre, comme Nine Inch Nails».
L'audience partage l'avis de Michael à l'heure des rappels. Des cris en rafale répondent à la voix de Franz qui demande du bruit. « Envoyé » parachève ce premier dynamitage en règle du public à coup de morceaux datés de 24 ans et plus mais n'affichant pas la moindre ridule.
Le lendemain, c'est le Palác Akropolis qui attend à guichets fermés les Young Gods à Prague. Deux-cents kilomètres à avaler sur les coups de midi pour rejoindre la capitale, à huit personnes dans le minibus, équipe et matériel compris. Une petite entreprise qui aura tout juste le temps de faire un rapide check-in à son nouvel hôtel avant de rejoindre la salle pour la mise en place et le sound-check. Deux interviews au programme pour Treichler, dont l'une pour la TV nationale tchèque.
A l'Est, les « Jeunes Dieux » suisses sont vénérés. Aussi bien pour l'esthétique industrielle pionnière de leur rock basé sur l'échantillonnage de sons que parce qu'ils ont écumé très tôt, au début des années 90, les pays de l'ex-bloc soviétique levant à peine le rideau de fer. Une prise de risque très appréciée dans ces contrées où les conditions de tournée étaient rudes. Ce que confirme Martin, vieil ami polonais du groupe qui vient de rouler trois heures pour vivre son deuxième concert en dix jours après Varsovie. « Pour l'une de nos première date en Pologne, on a même été payés en essence », se souvient Treichler.
Alors que Pizzi distille des photos sur la page Facebook du groupe, que des soucis de batterie et lumières sont réglés pour Berlin et Londres en coulisses, les premiers spectateurs investissent l'Akropolis. Les expatriés francophones s'enfilent décibels et pintes de bière aux côtés des Pragois, le stand du merchandising fait déjà le plein. Les Young Gods, tout de noir vêtus, sont repartis de plus belle à l'assaut dans un fracas de rythmes effrénés, galvanisés par la ferveur des lieux bondés.

*14.3.2014: Quimper, Les Hivernantes
*15.3.2014: Saint-Etienne, Electrochoc
*22.3.2014: Montbéliard, Le Moloco
Intrépide sémaphore de l’alternative chansonnière depuis trente ans, les Têtes Raides s'en reviennent avec un douzième album studio fidèle à leur esprit franc-tireur. Toujours un peu pareil mais en même temps toujours un peu différent, leur répertoire poétique empruntant autant à Fréhel que Brel, Ferré, Leprest, Tom Waits ou The Clash creuse cette fois quelques pistes plus électriques. Où la prose néo-réaliste des Terriens, alternant militantisme (« La tâche ») et faux air de fête (« Les Terriens »), élans amoureux (« Alice », « Mon carnet ») et désillusions (« Oublie-moi»), se pare de belles profondeurs de champ et crissements guitaristiques.
Florent Marchet avait pris congé à Courchevel, à une altitude raisonnable pour sa pop romanesque et moderne pleine de désillusions et désenchantements. Trois ans plus tard, le Français prend un ticket pour une planète imaginaire mais poursuit son exploration terre-à-terre du genre humain. A la fois odyssée de l'espèce et de l'espace, Bambi Galaxy
Activiste d'un rock nerveux et tortueux depuis plus de vingt ans au sein de différentes formations françaises emblématiques (Diabologum avant tout, puis Expérience), Michel Cloup poursuit sa route intransigeante entre références aux marges du rock américain (Slint, Low, Dinosaur Jr ou Sebadoh) et talk over narratif étourdissant. Après Notre Silence (2011), monolithe oppressant et obsédant bâti sur le deuil et son cortège de douleurs, le Toulousain se donne un tout petit peu d'air au fil de ce Minuit dans tes bras.

