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L'âme-son - Olivier Horner - Page 9

  • Etienne Daho: «Plus on avance dans l’âge, plus on s’allège»

    Etienne Daho, Les chansons de l'innocence retrouvée, tournée, concert, Pop Hits, Diskönoir Tour

    Pour Les chansons de l'innocence retrouvée, son onzième album depuis 1981 paru en novembre dernier, Etienne Daho a ravivé son penchant pour ces clairs-obscurs pop classieux qui l'ont propulsé dandy tout désigné de la pop française.

    Vous effectuez votre grand retour sur scène cet été. Comment se déroulent les préparatifs ?

    C’est une période très chargée, excitante et schizophrénique à la fois puisque mon retour sur scène va s’effectuer de manière très spéciale. Je commence début juillet par une série de concerts en tant qu’invité d’honneur à la Cité de la musique à Paris. Je suis le curateur de plusieurs concerts réunis sous l’intitulé «Une jeunesse moderne». Ce sont trois soirées différentes, où je rejoue l’album Pop Satori dans l’une, une autre où j’invite la fine fleur de la jeune scène française avec encore quelques invités de marque comme Dominique A et une dernière soirée baptisée «Pop Hits» où je passe en revue mon répertoire. C'est ce concert rétrospectif que je présente cet été sur scène, en préambule de ma nouvelle tournée à l'automne qui s’intitulera «Diskönoir Tour».

    Pop Satori, votre troisième album daté 1986 revêt-il une importance particulière à vos yeux ?

    Si je continue de le voir seulement comme un chapitre d'une même histoire, c’est vrai qu’il constitue un moment particulier dans mon parcours. C’est l’album qui représente un moment de bascule en termes de popularité pour moi grâce à des titres à succès comme «Epaule Tatoo», «Duel au soleil» et «Tombés pour la France». C’est aussi avec ce disque que mon travail est reconnu par une plus jeune génération d’artistes et que je deviens une espèce de chef de file de la pop française. Pop Satori est sans doute mon album qui a laissé le plus de traces, de souvenirs profonds et durables. C’est une madeleine en quelque sorte, qui reste agréable heureusement à jouer aujourd’hui et ne sonne pas datée, démodée. Il n’était pas si teenage que je le pensais.

    «Je me voulais léger, léger. Le plaisir sans me retourner», dit «En surface», un titre signé  Dominique A sur Les chansons de l’innocence retrouvée. Vous a-t-il mis au jour ?

     

    Cette chanson semble sonner comme un autoportrait d’une légèreté que je pouvais incarner. Mais ce n’est qu’une facette d’une perception essentiellement liée à l’hédonisme des années 80. En réalité, ce n’était qu’un masque pour donner le change même s’il est vrai que cette décennie a été marquée par un certaine insouciance dans mon cas. C’était quand même une période où nous étions souvent ivres morts, entre autres. Je me sens sans doute plus léger et jeune aujourd’hui qu’hier. Plus on avance dans l’âge, plus on s’allège.

    Carte blanche à Etienne Daho dans le cadre du festival Days Off à Paris, les 1er, 5 et 8 juillet 2014

    Les dates de tournée d'Etienne Daho

    Cette interview a aussi été publiée dans le Hors-série/Programme officiel du Montreux Jazz Festival 2014, encarté dans le quotidien suisse Le Matin

     

  • Dominique A côté plume

    Dominie A, Le Mot et le reste, livre, chansonDepuis son neuvième ­album en vingt ans de carrière, Vers les lueurs (2012), le chanteur Dominique A s’est aussi distingué grâce à sa voix de romancier. Son premier récit autobiographique, l’intimiste Y revenir (2013), est venu rappeler les talents narratifs du natif de Provins (Seine-et-Marne), dont les premiers exercices de style sont enfin rassemblés. S’il avait déjà brillé en levant le voile avec humour et pertinence sur sa pratique musicale au fil de Un bon Chanteur mort (Ed. La Machine à cailloux, 2008),Tomber sous le charme réunit ses chroniques musicales et littéraires ou billets d’humeur pour ­divers magazines depuis près de dix ans (Epok, TGV Magazine, Les Inrocks, Le Monde des livres).


    Le Nantais d’adoption, qui souligne en préambule se considérer davantage «passeur» que critique, met le plus souvent à la page la ­marge rock. A l’image des «Helvètes underground» de Disco Doom, croisés dans un club ­suisse, dont il s’éprend un soir et à qui il promet monts et merveilles «dans une brume éthylique» sans pouvoir ensuite tenir parole.


    Les journaux de bord extraits de trois de ses tournées (2002, 2006 et 2013), huit articles écrit en 2012 pour Liberation.fr à l’occasion de ses vingt ans de carrière et les autocritiques de sa discographie complètent judicieusement l’ouvrage et permettent de voir sa plume sensible et caustique s’affûter avec le temps. Comme dans ce journal de bord qui repasse par la Suisse en novembre 2013 (Pully et Nyon) pour son spectacle en forme de lectures musicales, où Dominique A confesse avoir lu et chanté «dans un brouillard sonore à peu près total» et avoir juste fait illusion. Et de conclure: «On croit parfois être un autre, échapper à sa caricature, et finalement non.» Avec ce corpus, le chanteur s’est tendu un miroir ne masquant pas sa nature.

    Dominique A, Tomber sous le charme: chroniques de l'air du temps (Le Mot et le Reste, 224.p)

    Cet article est aussi paru dans le quotidien suisse Le Courrier du 26 avril 2014

  • Les écorchures intimes de Daniel Darc

    Daniel Darc, Christian Eudeline, Le Courrier, Ring, livre, édition, rockAprès Tout est permis mais tout n'est pas utile, livre d’entretiens inachevés du journaliste Bertrand Dicale avec ­Daniel Darc, paru en mai 2013, deux biographies sont récemment venues éclairer davantage la trajectoire tumultueuse du chanteur français décédé le 28 février 2013 à l’âge de 53 ans. V2 sur mes souvenirs: à la recherche de Daniel Darc de Pierre Mikaïloff et Daniel Darc, une vie de Christian Eudeline ­remontent fidèlement le cours du temps depuis les précoces et chaotiques années Taxi Girl qui ­propulsent Darc, punk et voyou dans l’âme, sur le devant de la scène pop-rock.


    Le journaliste et critique Christian Eudeline, qui suivait Darc depuis une trentaine d’années, a réveillé ses précieuses archives, demandé à Dominique A de signer la préface, pour retracer un portrait intimiste et empathique qui choisit de débuter dans la décadence hédoniste des années 1980, au cœur de Taxi Girl et son tube «Cherchez le garçon».


    Entre mythologies rock’n’roll et foi, enfer et paradis, drogue et alcool, l’écorché vif du rock français qui brûlait sa vie tels ses modèles ­Burroughs, Sex Pistols ou Coltrane, se mue en ­personnage attachant. Grand enfant d’origine ­juive blessé à la fois dans son corps et son âme, mais qui n’a cessé de se relever pour toujours mieux se foutre du lendemain. Une vie brûlée par tous les bouts, où les errances se sont souvent ­métamorphosées en fulgurances, grâce à une ­inébranlable foi en l’existence et l’amour. Ange déçu plutôt que déchu.

    Christian Eudeline, Daniel Darc, une vie (Ed.Ring, 280 p.)

    Cet article est aussi paru dans le quotidien suisse Le Courrier du 26 avril 2014

  • IAM mord toujours

     

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    Porte-drapeau historique du hip-hop français avec NTM, IAM a célébré en 2013 vingt-cinq ans de carrière avec un sixième album dénommé Arts Martiens, une édition collector du mythique L'Ecole du micro d'argent (1997) ainsi que d'un deuxième enregistrement studio sobrement baptisé ...IAM. Les Marseillais posent à nouveau un regard aiguisé sur les soubresauts de leur époque et y déversent leur prose combattive. Akhenaton, Shurik’n, Kheops, Imhotep et Kephren se montrent ici impériaux en renouant avec les fondamentaux de titres à la fois percutants et coulants à la production pyramidale impressionnante. Entretien avec Imhotep, architecte sonore du groupe à la veille d'une nouvelle tournée explosive.

    Deux albums originaux en l'espace de six mois, deux tournées successives, IAM n'a jamais été si prolifique ?

    Imhotep: C'est vrai que cette période 2013-2014 est très riche et agréablement chargée pour nous. C'est dû à une successions de hasards favorables. Durant les sessions d'enregistrement d'Arts Martiens, nous avons été particulièrement créatifs et attrapés quantité d'idées en vol pour, au final, se retrouver avec une quarantaine de morceaux de bonne facture. Une vingtaine ont été gardé pour l'album et l'autre moitié mise au placard avec frustration. Mais le succès d'Arts martiens, qui a mis notre label Def Jam de très bonne humeur, a permis la sortie des titres mis de côté sur ce récent septième album, ...IAM. Mais rien n'était prévu.

    Le succès commercial d'Arts martiens était-il inespéré ?

    Nous l'appelions évidemment de tous nos voeux mais vendre plus de 100'000 exemplaires en six mois est un exploit pour un groupe de hip-hop français dans le contexte de l'effondrement du marché du disque. On se réjouit de la fidélité de notre public et aussi des nouvelles générations qui ont été séduites par IAM, comme on a pu le constater lors de notre dernière tournée.

    A quoi ressemblera d'ailleurs la nouvelle tournée ?

    C'est une nouvelle formule basée sur les titres inédits du dernier album principalement, complété par un tiers de classiques d'IAM extraits surtout de L'école du micro d'argent et une partie des albums solo d'Akhenaton et Shurik'n. Comme nous tournons cette fois sans musiciens, un énorme travail de scénographie a été réalisé, avec un soin particulier apporté aux lumières et aux projections vidéos.

    Ce n'est donc ni une tournée ni un disque d'adieux pour IAM comme on a pu le lire ça et là ?

    Pas du tout, on bouillonne d'idées, d'envies, de projets qui englobent des domaines variés comme les musiques de film ou de spectacles de danse. Cette rumeur est née du fait que Def Jam a mis en avant que c'était nos deux derniers disques chez eux contractuellement ; une technique de promo à la Johnny Hallyday qui n'arrête pas de faire d'ultimes tournées !

    Pour rebondir sur le cinéma, vous aviez un projet en collaboration avec Ennio Morricone qui a avorté. Pourquoi ?

    Il est en suspens hélas mais nous gardons espoir. On avait eu un premier avis favorable de sa part d'un point de vue strictement musical. Notre maquette lui plaisait. Mais dès lors qu'il a fallu demandé les autorisations pour les samples utilisés aux producteurs des films dont ils étaient extraits, tout s'est compliqué et, surtout, a pris des proportions financières démentielles. Le marché de la musique et du cinéma mondialisés n'évoluent pas dans le même monde. Mais comme IAM tient à ce projet, on le réactivera je pense en essayant de trouver peut-être de meilleurs interlocuteurs.

     

    Cet entretien est aussi paru dans un hors-série du quotidien suisse Le Matin consacré au Caprices Festival de Crans-Montana

  • Les inconvenances jouissives de Batlik

    Le Français à la prose corrosive publie « Mauvais sentiments » (A brûle-pourpoint), neuvième album le plus jusqu'au boutiste en dix ans. Coup de fil.

     

     

    batlik_mauvais_sentiments-d5326.jpgLa bienséance, le conformisme ou le politiquement correct sont ses ennemis déclarés. Avec Mauvais sentiments, Batlik conserve une dimension sociétale comme focale de ses chansons incisives et parfois jouissives. Pour ce neuvième album en dix ans, le Français chasse habilement la bien-pensance sous toutes ces coutures. « On vit dans une société gargarisée de bons sentiments. Les chansons de mon disque ont été pensées comme des contre-pieds à toutes ces idées reçues qui découlent souvent de la doctrine capitaliste omnipotente », détaille Batlik au bout du fil, militant à sa modeste façon.

     

    Pour en arriver à cette explication, il aura pourtant fallu tirer les vers du nez au chanteur qui se contente souvent de l'autodérision pour évoquer les déclencheurs de ses inspirations, genre: « Il y avait huit autres albums qui poussaient celui-ci. C'est une mécanique, une machine qu'il faut alimenter tout le temps quand on est un artisan indépendant de la chanson ». Un ton qui innerve jusqu'à sa biographie officielle, où affleure par exemple : « En 2006, Batlik décline une proposition de signature chez Warner ainsi qu'une proposition chez Wagram en 2007. Il se bat pour le titre de l’artiste le plus contre-productif d’Europe ».

     

    Au vrai, il y a de ça chez ce chanteur de 37 ans resté l'un des éternels espoir de la chanson francophone après avoir été révélé par le circuit des cafés-concerts. Surtout depuis Utilité (2007), petite merveille de douceur folk mélodique rythmé par une singulière guitare slappée et un timbre joliment brisé. Un répertoire troublant au coeur duquel Batlik déclinait déjà des thèmes surprenants, fustigeant le bonheur à crédit ou la spirale de l'endettement et se distinguait par un hymne à l'insuccès ou une non-déclaration d'amour. Des promesses folks demeurées quasi lettre morte en termes de consécration commerciale.

     

    Reste que ce goût marqué pour les contre-pieds, Batlik n'a jamais cessé de les cultiver jusqu'à ce jour. Dans le style, Mauvais sentiments est sans doute juste le plus jusqu'au boutiste. A l'image des strophes crues et cruelles de « Désir de vengeance », où un type mène à bien sa vendetta amoureuse en couchant avec la mère et la fille de son meilleur ennemi dans le sillage d'une réplique repiquée à Le bon, la brute et le truand. « Il aurait voulu le faire avec sa femme aussi mais a manqué de courage ! Les gens qualifient souvent cette chanson d'abjecte et des amis se sont même fâchés avec moi. Mais c'est pourtant celle que je trouve largement la mieux écrite du disque et dont suis le plus fier ». Un sommet en effet, rien que pour le couplet « mais rentrer par où t'es sorti/M'a vengé de toi en partie ». 

     

    Une écriture pleine de reliefs et de surprises, enveloppée par des compositions resserrées autour de guitares, percussions, claviers et une contrebasse, qui évite d'enfoncer les portes ouvertes en se coltinant pourtant des thèmes aussi casse-gueule que le libéralisme. De « AAA » à « Mademoiselle » via « Les persuadés », il est ainsi plutôt question de ses effets nocifs : croyances et opinions mises à mal, libre-arbitre entamé, violence des normes ou révoltes aussitôt absorbées par un système. 

     

    Esquissant en creux toutes les transgressions possibles, Batlik libère grâce à Mauvais sentiments une sève salutaire. En sourdine, l'autodérision qui lui portait parfois préjudice ne se mue par pour autant en une forme de militantisme creux. Sans dieu ni maître, pas plus Ferré que Ferrat qu'il a repris un jour, Batlik trace sa voie singulière de chanteur concerné par le monde et les gens qui l'entoure. D'autant plus que Mauvais sentiments trouve un écho dans Les Monstres pratiques, un livre en forme de fragments du réel écrit par son épouse, Elsa Caruelle, psychanalyste pour enfants. « Le disque et le livre, qui ont aussi été inspirés par des discussions avec des amis proches, issus d'un milieu de gauche plutôt en porte-à-faux avec le capitalisme, a bizarrement blessé nombre d'entre eux », déplore Batlik, perplexe. Espérons qu'à défaut d'amis, ces corrosives inconvenances lui valent enfin davantage de suffrages publics.

     

    Cet article est aussi paru dans le quotidien suisse Le Courrier du 12.3.2014